Des ruelles pavées de Cuzco, dans les Andes du sud du Pérou, aux arrière-cours terreuses, des portraits de familles bourgeoises aux scènes de la vie quotidienne des paysans andins, des sites archéologiques préhispaniques aux représentations de la faune et de la flore locales… Toute la diversité de l’œil du photographe péruvien Martín Chambi (1891-1973), le plus célèbre et le plus prolifique du pays, est désormais accessible en quelques clics à travers plus de quarante mille négatifs consultables en ligne.
Cet accès public est l’aboutissement d’un gigantesque travail d’inventaire, de mise en fiche et de numérisation, entamé en 2021 par l’association Martín Chambi, pilotée par Roberto Chambi, le petit-fils du photographe, dans le but de sauvegarder ses milliers de clichés des affres du temps et de léguer cet héritage culturel à la postérité.
Depuis son lancement, en mars, la plate-forme coleccion.chambimartin.org a réuni plus d’un millier de visiteurs mensuels. Un début modeste, mais les promoteurs du projet tablent sur une fréquentation exponentielle. La Fondation BBVA (un groupe bancaire espagnol), qui héberge le site Internet, souhaite diffuser massivement ce catalogue, « un héritage inestimable », estime Nelson Alvarado Jourde, son directeur. « C’est une partie de l’histoire du Pérou qui doit être vue dans tous les collèges et universités du pays », affirme-t-il.
Procédé de numérisation dernier cri
Roberto Chambi, lunettes rondes et œil malicieux, s’émerveille de ce travail mené en équipe. Le soutien financier du fonds de l’ambassade des Etats-Unis a été capital, avec un apport de 470 000 dollars (438 880 euros), ce qui a notamment permis un investissement dans une technologie de numérisation de dernière génération.
Roberto Chambi reçoit dans le petit local associatif niché dans un immeuble au cœur de Cuzco, où est jalousement gardée la version matérielle des archives, des plaques de verre (utilisées jusque dans les années 1950) ainsi que des négatifs, empilés dans une chambre froide. « Nous avons accompli un travail essentiel et urgent, car certaines photographies, très vieilles, commençaient à s’abîmer, raconte-t-il. La plus ancienne date d’il y a plus de cent ans. Une fois numérisées, et grâce à une technologie avancée, nous avons récupéré la meilleure résolution possible et avons abouti à une qualité inégalée. »
Issu d’une modeste famille paysanne vivant à Puno, sur les rives du lac Titicaca, à la frontière bolivienne, Martín Chambi a très tôt le goût de la photographie, alors que la discipline était encore rare, coûteuse et réservée à une élite. Il part s’installer à Arequipa, seconde ville du Pérou, où il intègre le studio du photographe Max T. Vargas, auprès duquel il se forme pendant plusieurs années.
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