Au moins 167 navires commerciaux russes se sont livrés à des activités d’espionnage des réseaux câblés et des pipelines de la mer du Nord au cours des dernières années, et particulièrement depuis février 2022 et le début de l’invasion de l’Ukraine : c’est ce qui ressort d’une enquête de l’organisation néerlandaise Follow the Money, une plate-forme d’investigation, associée aux quotidiens économiques belges L’Echo et De Tijd.
Dans le document publié jeudi 20 juin, les mouvements de milliers de bâtiments russes le long des côtes de l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont été analysés. Ces six Etats ont signé, en avril, une déclaration conjointe visant à la mise au point d’un « pacte de sécurité » concernant cette zone réputée particulièrement sensible, truffée de champs gaziers et pétroliers, de parcs éoliens, de câbles assurant les liaisons Internet et les télécommunications… Le projet vise à renforcer la surveillance et les échanges d’information entre les six pays, en liaison avec l’OTAN et l’Union européenne.
Tous possédaient déjà des données sur les mouvements récents d’une dizaine de bateaux militaires soupçonnés de se livrer à des activités d’espionnage ou de préparer des opérations de sabotage d’infrastructures critiques dans les zones économiques exclusives des six pays. En analysant, cette fois, les mouvements de milliers de bâtiments civils – des tankers, des cargos, des bateaux de pêche ou de croisière – Follow the Money estime qu’au moins 167 bateaux se sont livrés à des manœuvres jugées très étranges, comme des changements de trajectoire ou du cabotage à vitesse très réduite, à moins d’un kilomètre d’installations critiques. Les activités douteuses repérées par les services occidentaux ont connu un pic en 2021, avant la guerre en Ukraine : 684 pour cette seule année, contre une trentaine en moyenne auparavant.
Observation sous-marine robotisée
Les services de surveillance de la zone reçoivent, lorsqu’ils repèrent ces mouvements litigieux, des explications et des excuses des équipages : ils invoquent généralement des erreurs de navigation, le mauvais temps ou des avaries. Pas de quoi convaincre les autorités néerlandaises qui, au début 2022, par exemple, ont vu un bâtiment de transport réfrigéré s’immobiliser par beau temps au large du port d’IJmuiden, dans une zone où se trouvent de nombreux câbles électriques et des pipelines. La scène s’est reproduite quelques jours plus tard avec un autre navire civil. En février toujours, au Danemark, le porte-conteneurs de 172 mètres Transit-Tavayza a lentement dérivé vers une zone très sensible et aurait effectué une mission d’observation sous-marine avec des robots.
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