mercredi, septembre 25, 2024
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En Espagne, une duchesse archisèche et des enfants privés de parc


LETTRE DE MADRID

Le parc du Duc de l’Infantado, le jour où les enfants ont appris que le jardin leur était définitivement fermé. A Manzanares el Real (Espagne), le 2 septembre 2024.

Entre les grilles fermées du parc du Duc de ­l’Infantado, les enfants observent, la mine contrariée, leur château-toboggan renversé sur le sol et leurs manèges démontés par les techniciens de la mairie de Manzanares el Real. En ces premiers jours de septembre, certains pleurent, tapent contre la grille, grimpent aux barreaux. En vain.

Almudena de Arteaga y del Alcazar, XXe duchesse de l’Infantado, 57 ans, a reconquis les jardins dont son grand-père avait cédé l’usufruit à la municipalité en 1975, l’année de la mort du dictateur Francisco Franco, dans la volonté de s’attirer la sympathie des habitants. Durant cinquante ans, les enfants de cette commune de quelque neuf mille habitants, située dans les montagnes, à 50 kilomètres au nord de Madrid, y ont joué et grandi. « C’est un parc d’une valeur sociale et environnementale incroyable pour les familles de Manzanares, le seul du centre-ville à offrir de l’ombre, sous de grands arbres ­centenaires, et à créer du lien social et de la mixité », regrette Maria Monclin, mère d’un garçon de 5 ans.

Cela faisait dix ans que la Maison de l’Infantado, l’une des plus grandes familles de la noblesse espagnole, dont l’origine remonte au XVsiècle, réclamait que le parc lui revienne. La municipalité a bien tenté de le racheter, mais elle n’est pas parvenue à se mettre d’accord sur un prix avec Almudena de Arteaga, par ailleurs écrivaine à succès de romans historiques. Les services du cadastre ont chiffré à 140 000 euros la valeur du terrain, non constructible. La duchesse réclamait 2,5 millions d’euros. La mairie a lancé une procédure d’expropriation, la duchesse a rétorqué en initiant une procédure d’expulsion. En juin, c’est elle qui a gagné.

« Des biens hérités d’un système féodal »

« Si j’avais accepté de payer ce que me demandait la propriétaire, je me serais rendu coupable de corruption », a expliqué sur les réseaux sociaux le maire socialiste de Manzanares, José Luis Labrador, dans l’espoir de calmer la colère qui gronde dans sa commune. Il a annoncé dans la foulée l’aménagement prochain d’un nouveau parc, sur un terrain vague utilisé jusqu’à présent comme parking. Les parents, pour leur part, ont décidé de ne pas abandonner la lutte.

Sur la radio Onda Cero, la duchesse de l’Infantado a assuré avoir « souffert de devoir en arriver [à l’expulsion] », et a rejeté la faute sur « l’avarice » de la mairie, alors qu’elle « a dépensé beaucoup d’argent en impôts liés au parc ». Le 15 septembre, jour où le jardin est officiellement repassé aux mains de la Maison de l’Infantado, des dizaines de familles se sont rassemblées dans le parc pour manifester une dernière fois. « Jusqu’à quand une seule famille pourra-t-elle se transmettre des biens hérités d’un système féodal, au détriment de l’intérêt général ? », se désole Vera Sanz, technicienne audiovisuelle de 45 ans, désormais privée d’aire de jeux pour ses trois jeunes enfants.

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