C’est un sujet majeur pour les créateurs du Vieux Continent et, plus largement, pour l’identité des pays membres de l’Union européenne (UE). Pourtant, aucun des grands partis n’en a fait un enjeu de campagne des élections européennes de ce début juin. Depuis des mois, l’exception culturelle européenne semble toujours plus fragilisée par les grosses productions venues des Etats-Unis mais aussi par l’hégémonie des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), sans que les citoyens et leurs représentants en aient toujours conscience.
« Après l’élection, les lobbys américains vont jouer sur l’ignorance des nouveaux élus européens » sur ces sujets, redoute déjà l’eurodéputé Geoffroy Didier (Parti populaire européen), vice-président de la commission spéciale sur l’intelligence artificielle (IA) à l’ère du numérique. « Dans n’importe quel texte, ils continueront de tenter d’inclure des amendements » visant « à diluer et à faire disparaître » les politiques nationales « protectrices de notre souveraineté culturelle ». Pour ces lobbys, « la culture est une marchandise comme les autres, qui doit circuler sans entrave dans le marché commun », analyse cet élu, avocat aux barreaux de Paris et de New York, qui craint une « uniformisation et une américanisation forcées des esprits ».
Ce n’est pas seulement une lubie française. Le grand public l’ignore souvent, mais, en 1993, l’UE a adopté un « statut spécial pour les œuvres et la production audiovisuelles visant à les protéger des règles commerciales de libre-échange ». Cette mesure repose justement sur l’idée que la création culturelle ne constitue pas un bien marchand comme les autres. Et qu’elle doit, à ce titre, être protégée par un ensemble de règlements, de lois et de mesures.
En France, ce concept très fort justifie le cadre législatif le plus avancé d’Europe, destiné à défendre la diversité de la musique, de la littérature et du cinéma tricolores. Avec, par exemple, des quotas de production et de diffusion d’œuvres européennes pour les télévisions. Et, surtout, une solide architecture d’aides publiques et de crédits d’impôt qui permet de financer et de faire vivre tout le cinéma hexagonal.
Mais, aujourd’hui, « l’exception culturelle est plus menacée que jamais », s’inquiète aussi l’eurodéputé Emmanuel Maurel (La Gauche au Parlement européen, GUE/NGL). « La très forte influence américaine s’explique par un double phénomène : l’atlantisme de leurs alliés des pays de l’Est et une assez grande indifférence des eurodéputés aux questions culturelles. » « L’exception culturelle est souvent considérée comme un truc de Français », ajoute-t-il, confessant « ramer » pour sensibiliser ses collègues. Lorsqu’il cherche à les convaincre, Geoffroy Didier, lui, parle de « diversité culturelle » plutôt que d’« exception », puisque c’est ce dont il est ici question.
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