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un Grand Timonier controversé, mais populaire


Des étudiants tiennent des portraits de Mao Zedong lors de la commémoration du 120e anniversaire de sa naissance, le 21 décembre 2013, à Taiyuan, province chinoise du Shaanxi.

ARTE – MARDI 17 SEPTEMBRE À 20 H 55 – DOCUMENTAIRE

Alors que le Parti communiste chinois (PCC) s’apprête à célébrer les 75 ans de la République populaire de Chine, le 1er octobre, Arte consacre un long documentaire à son fondateur. Trois épisodes de cinquante minutes ne sont pas de trop pour passer à nouveau en revue les 82 années de la vie de Mao Zedong (1893-1976), qualifié ici, un peu abusivement, d’« empereur rouge ».

Si nul ne conteste qu’il fut rouge, ce fils de paysan aisé, né en 1893, passa autant de temps à conquérir le pouvoir à la tête de voyous et de crève-la-faim qu’à l’exercer et à s’y maintenir au prix d’innombrables persécutions, tant individuelles que collectives. Piètre orateur, s’exprimant avec un accent du Hunan tel que nombre de ses compatriotes n’y comprenaient goutte, Mao, qui avait lui-même assisté à la chute de l’Empire chinois, ne s’identifiait pas à ses prédécesseurs. Malgré sa mégalomanie et le culte de la personnalité qu’il entretenait, le Grand Timonier souhaitait d’ailleurs, après sa mort, être incinéré. C’est contre sa volonté que ses successeurs lui ont bâti un mausolée sur la place Tiananmen.

Le découpage du documentaire suit un classique parcours chronologique : la jeunesse et la conquête du pouvoir ; les années 1950 aux débuts prometteurs, mais dont la fin – le Grand Bond en avant – allait se révéler catastrophique avec la pire famine de l’histoire de l’humanité ; et, enfin, la mal nommée Révolution culturelle. Avec, à chaque fois, de riches images d’archives d’autant plus fascinantes qu’elles témoignent des progrès réalisés en quelques décennies par le pays le plus peuplé du monde ainsi que de courts entretiens avec des experts et des témoins.

Xi Jinping en miroir

Evidemment, parler de la Chine de Mao, c’est, en miroir, parler de celle de Xi Jinping. Dès la cinquième minute, on voit d’ailleurs l’actuel dirigeant présider, place Tiananmen, une de ces cérémonies géantes dont les systèmes totalitaires ont le secret. Une Chinoise interrogée fait, à cette occasion, directement le lien entre l’actuel secrétaire général du PCC, dont on étudie « la pensée » dès l’école, et Mao, dont les réflexions occupaient « Le Petit Livre rouge », qui allait concurrencer la Bible au rayon des best-sellers.

Lire la tribune : Article réservé à nos abonnés « Xi Jinping ressemble bien plus à Staline qu’à Mao Zedong »

Contrairement à ce que suggère le documentaire, la surveillance électronique de la population sous Xi Jinping n’a pourtant rien à avoir avec le totalitarisme de Mao. A l’époque, les Chinois ne pouvaient ni voyager, ni choisir leur travail, ni leur conjoint. Tout cela est bel et bien révolu. D’ailleurs, comme le troisième épisode le reconnaît, Xi Jinping, lui, se place dans la lignée des empereurs et remet à l’ordre du jour le confucianisme, une « vieillerie » aux yeux de Mao.

Surtout, Xi règne par l’ordre et non par le chaos. Le PCC incarne aujourd’hui l’ordre et la stabilité, ce qui n’est pas un mince exploit vu ses turpitudes passées. Si la propagande joue un rôle non négligeable dans cette perception par la population, elle ne suffit pas, à elle seule, à l’expliquer. Les Chinois sont convaincus que le parti a mis fin à plus d’un siècle d’humiliations par les Occidentaux et les Japonais.

Bilan à « 70 % positif »

Si Xi n’est pas Mao, on pourrait pousser le paradoxe en affirmant qu’il se montre parfois davantage idéologue que Mao. Celui-ci n’a pas hésité à se rapprocher des Etats-Unis de Nixon pour parvenir à ses fins : remplacer Taïwan à l’ONU et faire de Pékin la seule représentante de la Chine sur la scène internationale. En revanche, Xi continue de filer le parfait amour avec Vladimir Poutine pour des raisons essentiellement idéologiques.

Cette reconnaissance internationale est sans doute l’une des raisons de la popularité de Mao jusqu’à nos jours en Chine. Si le documentaire aborde le sujet, il ne fait que l’effleurer, ne donnant la parole qu’à des Occidentaux et à des Chinois hostiles au pouvoir. Cette popularité reste un mystère pour nombre d’Occidentaux. Elle est pourtant réelle, même chez des Chinois très critiques envers le PCC. Le documentaire rappelle que, pour le parti, le bilan de Mao est à « 70 % positif » − et donc à 30 % négatif. Si on ne peut le démontrer, il est probable que les Chinois sont en grande majorité de cet avis.

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Le documentaire conclut que la Chine est certes redevenue un grand pays moderne, mais a, pour cela, payé « un prix exorbitant ». Il n’est pas certain que les Chinois partagent ce jugement. Une bonne partie d’entre eux ont aujourd’hui la capacité de juger leur pays et le monde. Grâce à Mao ou malgré lui ? Le débat reste ouvert.

Mao, l’empereur rouge, documentaire de Paul Wiederhold et Annette Baumeister (All., 2024, 3 × 50 min). Disponible à la demande sur Arte.tv, à partir du 16 septembre.

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