A 37 ans, elle devient le plus jeune chef du gouvernement qu’ait connu la Thaïlande depuis la fin de la monarchie absolue en 1932. Paetongtarn Shinawatra, héritière de la dynastie politique la plus puissante de Thaïlande, est devenue, vendredi 16 août, première ministre. Fille du milliardaire Thaksin Shinawatra, Paetongtarn était la candidate unique de la coalition majoritaire emmenée par son parti, Pheu Thai, lors du vote des députés pour désigner le chef du gouvernement.
Surnommée « Ung Ing », elle est la troisième dirigeante thaïlandaise à porter le nom Shinawatra, après son père Thaksin (2001-2006) et sa tante Yingluck (2011-2014), tous les deux renversés par un coup d’Etat. Les Shinawatra sont indissociables des tensions qui fragmentent le royaume depuis plus de vingt ans, entre une vieille garde monarchiste protégée par l’armée et des électeurs avides de changement. Paetongtarn Shinawatra bat toutefois un record de précocité en Thaïlande où, depuis l’instauration de la monarchie constitutionnelle, la politique reste le domaine réservé de figures masculines et vieillissantes.
Le prochain gouvernement, qui n’entrera en fonction qu’après l’accord formel du roi, doit sortir de la crise un royaume à l’arrêt, sur fond de divisions tenaces et de croissance en berne. Le 7 août, la Cour constitutionnelle a dissous le principal parti d’opposition, avant de destituer, le 14 août, l’ancien premier ministre Srettha Thavisin, allant à l’encontre de la volonté de changement exprimée par une majorité de Thaïlandais dans les urnes, selon le camp démocrate.
Coalition pro-armée
Paetongtarn Shinawatra dispose du soutien de la coalition majoritaire sortante, dominée par le Pheu Thai sous l’influence de son père. Ultrapopulaire dans les années 2000, Thaksin, ancien policier qui a fait fortune dans les télécoms, a longtemps été la bête noire des généraux, qui détestaient son style jugé populiste et affairiste.
Le milliardaire de 75 ans, au bilan teinté par la répression violente conduite dans le Sud musulman ou dans le cadre de sa guerre antidrogue, a repris un rôle central depuis qu’il est rentré en Thaïlande l’an dernier, après quinze années d’exil volontaire pour échapper à des condamnations qu’il contestait.
« Comme père et comme ancien premier ministre d’expérience, il me donne des conseils », a déclaré jeudi Paetongtarn Shinawatra. Longtemps discrète, sa fille a été mise en lumière au moment des législatives de 2023 – mais sans mener le parti vers le raz-de-marée électoral promis dans les sondages.
Faute d’avoir remporté suffisamment de sièges, le Pheu Thai a dû s’allier avec des partis pro-armée, ses anciens rivaux, trahissant au passage une promesse de campagne. Jusqu’à la destitution de Srettha Thavisin, Mme Shinawatra était chargée de promouvoir le soft power au sein d’un comité gouvernemental, tout en dirigeant le parti.
Dans la lignée de son prédécesseur
Sur les réseaux sociaux, elle a continué à partager son train de vie luxueux, et des moments passés en famille avec ses deux enfants et son mari – à la plage, au tennis ou à l’étranger. Le profil de Paetongtarn Shinawatra peut séduire les nouvelles générations, qui ont réclamé lors de grandes manifestations en 2020 et 2021 une refonte en profondeur du système. La candidate a fait savoir jeudi qu’elle s’inscrivait dans la lignée de son prédécesseur, qui avait donné la priorité au tourisme et aux investissements étrangers pour relancer une croissance stagnante.
La Cour constitutionnelle a destitué Srettha Thavisin pour avoir enfreint des règles d’éthique fixées dans la Constitution en nommant comme ministre un avocat condamné à une peine de prison. Une semaine plus tôt, les mêmes juges avaient dissous le principal parti d’opposition, Move Forward, qui dispose du plus grand nombre de députés à l’Assemblée.
La formation, porte-étendard du mouvement démocrate, a acté sa renaissance sous la bannière du Parti du peuple. Elle n’a pu pas présenter de candidat vendredi, le seul éligible, Pita Limjaroenrat, ayant été exclu de la vie politique par décision de la Cour constitutionnelle.