La visite du premier ministre indien en Russie sera assurément suivie de près. Inquiet du rapprochement entre le Kremlin et la Chine, Narendra Modi doit se rendre à Moscou, les 8 et 9 juillet, pour une visite bilatérale, une première depuis le début de la guerre en Ukraine, en février 2022.
A la fois allié de la Russie et partenaire de l’Occident, New Delhi s’est toujours gardé de condamner l’invasion russe, tout en appelant à une résolution du conflit et à un retour à la paix. Un habile jeu d’équilibriste qui s’inscrit dans la politique de « multi-alignement » de l’Inde. Théorisée par le ministre des affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, elle vise à nouer des engagements multiples pour préserver au mieux les intérêts indiens et tirer profit des contractions du contexte géopolitique.
« Besoin de rassurer la Russie »
L’exercice est périlleux. « L’Inde ne soutient pas la guerre en Ukraine et, sans la condamner, n’a pas caché ne pas être satisfaite de la position du Kremlin », indique Alexeï Zakharov, expert indépendant, ex-chercheur à l’Ecole supérieure d’économie à Moscou. Les dirigeants de la Russie et de l’Inde avaient pour habitude de se retrouver lors de sommets annuels, mais, depuis 2021, le tête-à-tête entre Narendra Modi et Vladimir Poutine a été reporté à deux reprises. La dernière rencontre entre les deux hommes forts remonte à 2022, lorsque, au sommet de l’Organisation de coopération de Shanghaï, en Ouzbékistan, Narendra Modi a fait remarquer à son homologue que « l’heure [n’était] pas à la guerre ». Isolée sur la scène internationale, la Russie s’est tournée vers la grande rivale de l’Inde, la Chine, avec laquelle elle n’a cessé de renforcer ses liens. Un rapprochement que New Delhi voit d’un mauvais œil.
Ce déplacement sera donc l’occasion pour l’Inde de signaler l’importance qu’elle accorde au partenariat russe. Narendra Modi a ainsi choisi Moscou pour la première visite bilatérale de son troisième mandat, un honneur d’ordinaire réservé à un pays voisin, comme le Sri Lanka ou les Maldives. « Au cours de la dernière décennie, l’Inde a approfondi son partenariat avec l’Occident. Elle a besoin aujourd’hui de rassurer la Russie », indique Harsh Pant, directeur de l’Observer Research Foundation, un centre de réflexion basé à New Delhi et proche du ministère des affaires étrangères indien. « Le rapprochement entre la Russie et la Chine est une très mauvaise nouvelle pour l’Inde sur le front sécuritaire, et pourrait lui être préjudiciable », poursuit cet expert. Les relations entre l’Inde et la Chine sont glaciales depuis une confrontation meurtrière, en 2020, entre les deux armées dans la vallée de Galwan, dans l’Himalaya, le long de la frontière disputée. La Chine ne cesse de grignoter des morceaux de territoire indien ; des milliers de soldats sont stationnés en permanence le long de la ligne de contrôle, frontière de facto entre les deux rivaux asiatiques.
Il vous reste 54.82% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.