Promesse tenue, du moins en apparence : c’est à Nusantara, future capitale du pays, que le président indonésien, Joko Widodo, a célébré la fête de l’indépendance de l’Indonésie, samedi 17 août, comme il l’avait annoncé. Mais dans une version en duplex, dite de « transition » : son vice-président, Marouf Amin, officiait, lui, depuis le palais présidentiel à Djakarta. Seuls 1 300 invités ont été conviés, contre 8 000 initialement prévus, à Bornéo, là où la capitale doit déménager, à 1 200 kilomètres de Djakarta. Les dignitaires étrangers et même les diplomates en poste à Djakarta avaient été prévenus dix jours avant qu’ils ne seraient pas du voyage. Le décret présidentiel de transfert de la capitale a été repoussé sine die.
Et pour cause : ce projet lancé en 2021 et devenu loi en 2022 a enregistré des retards. Le nouveau palais présidentiel, auquel d’immenses ailes en métal donnent la silhouette d’un Garuda, l’aigle mythique symbole de l’Indonésie, est certes construit – « Jokowi », comme est connu le président, y a passé plusieurs nuits début août. Mais les infrastructures de logement et les bureaux ne sont pas prêts. L’aéroport censé accueillir les personnalités n’est pas terminé – les visiteurs ordinaires arrivent, eux, par l’aéroport de la ville de Balikpapan, reliée à la future capitale par une autoroute achevée à 90 %.
Nusantara signifie « nation archipel », en référence à l’Indonésie et à ses 17 000 îles. Au centre géographique du pays, sur la grande île de Bornéo, elle doit favoriser, comme avant elle Brasilia (Brésil) ou Astana (Kazakhstan), le rééquilibrage vers l’intérieur d’une nation de 288 millions d’habitants aux fortes disparités de peuplement et de développement. Ses concepteurs, qui veulent en faire une capitale à zéro émission carbone en 2045, ont choisi un site largement inhabité, constitué de concessions d’arbres à papier et d’anciennes mines de charbon. Au total, 1,9 million d’habitants sont prévus en 2045, contre 11 millions aujourd’hui pour Djakarta, qui s’enfonce dans la mer.
« M. Infrastruktur »
Président volontariste qui a fait des grands travaux le signe distinctif de ses deux mandats, « M. Infrastruktur », comme il est surnommé, avait « vendu » son projet fétiche en assurant que 80 % du financement, estimé à 29 milliards d’euros jusqu’en 2045, viendrait du privé. Or, si une poignée de groupes indonésiens ont eu l’ardente obligation de se mobiliser, les multinationales et les grands fonds d’investissement étrangers se font désirer.
L’Etat indonésien a dû débourser 42 trillions de roupies (2,44 milliards d’euros) pour l’année budgétaire en cours et environ autant l’exercice précédent. « La nouvelle capitale Nusantara est une toile sur laquelle nous pouvons dessiner l’avenir, s’est défendu Joko Widodo lors du premier et exceptionnel conseil des ministres qui s’est tenu à Nusantara le 12 août. Il n’est pas donné à tous les pays la possibilité ou la capacité de construire une nouvelle capitale à partir de zéro », a-t-il ajouté. Le président a aussi averti que l’installation prévue, en septembre, de 10 000 premiers fonctionnaires à Nusantara serait retardée. Il faudra « dix, quinze, vingt ans », a rappelé cet homme pressé, pour que la nouvelle capitale prenne forme.
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