Oksana Mitrofanova est une politiste ukrainienne réfugiée en France. Chercheuse senior à l’institut d’histoire mondiale de l’Académie nationale des sciences d’Ukraine à Kiev, enseignante-chercheuse à l’Institut national des langues et civilisations orientales, elle a écrit France-Ukraine. Une histoire des relations diplomatiques et militaires, 1991-2023 (Maison des sciences de l’homme, 360 p., 14 €).
Quelles sont les réactions en Ukraine face au risque d’avoir un gouvernement Rassemblement national (RN) en France ?
La dissolution a fait beaucoup de bruit en Ukraine. Elle a aussitôt entraîné de nombreuses publications dans les principaux médias du pays. Nous, Ukrainiens, sommes inquiets. Pour autant, cette inquiétude est tempérée par notre connaissance du système français : la politique étrangère, nous le savons, est avant tout une prérogative du président de la République. Même en cas de cohabitation, nous espérons qu’il y aura un minimum de continuité. La présidentielle française de 2027 effraie bien davantage. Et, bien sûr, si Emmanuel Macron venait à démissionner après les législatives, l’angoisse ukrainienne serait décuplée. Mais nous n’y croyons pas.
Nous avons bien conscience que la dissolution et les législatives se jouent d’abord sur des questions de politique intérieure. D’évidence, la guerre en Ukraine n’est pas centrale pour les électeurs français. Pourtant, nous aussi, nous sommes concernés. Dans un scénario de cohabitation, on s’interroge sur la capacité d’un RN majoritaire à faire obstacle à l’aide militaire, en particulier en bloquant ses financements. Et ce, dans un contexte où les élections américaines obscurcissaient déjà les perspectives.
Quelle image a Emmanuel Macron en Ukraine ?
Son image est très positive. Il est perçu comme un allié courageux, comme une locomotive pro-ukrainienne au sein de l’Union européenne (UE). Cela n’a pas toujours été le cas. Au début de la guerre, l’image du président était plus ambiguë, en raison de ses conversations téléphoniques répétées avec Vladimir Poutine. A cause aussi de ses déclarations d’avril 2022, lorsqu’il avait qualifié les Ukrainiens et les Russes de « peuples frères » et refusé d’employer le terme « génocide » pour désigner le conflit. A cause encore de sa volonté de ne « pas humilier la Russie », affirmée en juin 2022.
Depuis un an, la stratégie ukrainienne d’Emmanuel Macron s’est affinée. C’est le premier président français à défendre une vision de long terme pour le pays. Avec trois axes qui se dégagent. Premièrement, soutenir la candidature ukrainienne à l’UE et accompagner le pays pour qu’il mène les réformes nécessaires à son adhésion. Deuxièmement, appuyer sa candidature à l’OTAN, une fois les conditions réunies. Et troisièmement, aider l’Ukraine à se reconstruire, autour d’une équipe déjà opérationnelle, sous la houlette de Pierre Heilbronn, envoyé spécial du président. L’aide française est orientée vers la reconstruction d’hôpitaux et vers les problèmes d’infrastructure énergétique.
Il vous reste 48.58% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.