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les parachutistes et maquisards de Saint-Marcel sortent de l’ombre


De notre envoyée spéciale à Plumelec – Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, l’opération Overlord débutait non pas en Normandie, mais en Bretagne. Pour commémorer le 80ème anniversaire du Débarquement, le président Emmanuel Macron s’est rendu dans le Morbihan où il a rendu hommage aux parachutistes de la France libre et aux résistants bretons. Une histoire méconnue enfin mise en lumière.

« Lorsque le clairon essaime ses notes aiguës et déchirantes de la sonnerie aux morts, ils sont là les fantômes de ma jeunesse. Souriants, maigres, bronzés, ils sont restés jeunes à jamais, intemporels, la mort les figeant dans une éternelle jeunesse qui nous rappelle nous les chanceux, les rescapés, nous les vétérans blanchis la mémoire embrumée de nos chers frères d’armes à jamais disparus, et pourtant toujours là ».

Avec une voix vibrante et emplie de fierté, Achille Müller a rendu hommage à ses camarades de combats, mercredi 5 juin, devant le Mémorial de Plumelec et aux côtés du président Emmanuel Macron. À 99 ans, ce colonel est l’un des derniers à pouvoir parler de ces hommes parachutés il y a 80 ans jour pour jour dans ce village du Morbihan. « Ce sont des héros, malheureusement morts, j’aurais préféré les connaître bien vivants », explique-t-il.

Pendant des mois, ce Mosellan qui avait réussi à rejoindre l’Angleterre en 1943 s’est entraîné à leurs côtés au Royaume-Uni. Il se souvient avec émotion de « son copain » le caporal Emile Bouétard, le premier mort côté allié de l’opération Overlord ou encore du capitaine Pierre Marienne « fusillé dans le dos par des salopards qui n’avaient pas le courage de les exécuter en face ». Malgré son grand âge, il était hors de question pour Achille Müller de manquer cette cérémonie : « Ce sera sans doute ma dernière ici, mais la venue d’un président est une première. Je devais être là ».

Achille Müller a été parachuté le 5 août 1944 en Bretagne en tant que SAS. Il n'avait pas encore 20 ans.
Achille Müller a été parachuté le 5 août 1944 en Bretagne en tant que SAS. Il n’avait pas encore 20 ans. © Stéphanie Trouillard, France 24

 

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« Cela a été un déluge de feu »

Le 5 juin 1944, sur cette même terre, une vingtaine de Français, membres du Special Air Service (SAS) sous commandement britannique, étaient parachutés dans le Morbihan. Leur mission : effectuer des opérations de sabotage pour ralentir la progression des troupes allemandes vers la Normandie où le Débarquement venait d’avoir lieu.

Pendant des semaines, ces parachutistes ont opéré des actes de guérilla en Bretagne tout en combattant aux côtés des résistants locaux. Au début du mois de juin 1944, ce sont plus de 2 000 FFI encadrés par 200 SAS qui se sont ainsi regroupés dans la ferme de la Nouette située entre les villages de Saint-Marcel et de Sérent. Ils ont constitué un maquis surnommé « la petite France ». Marcel Bergamasco était l’un de ces jeunes patriotes. À 99 ans, il pense souvent à ses camarades tombés les armes à la main. Il garde surtout en mémoire la mort de l’un des parachutistes Bernard Harent, tué ici-même à Plumelec, le 13 juin 1944 : « Ce jour là, il venait vers moi. Je lui ai dit de ne pas rester là. J’avais à peine fini de parler qu’il s’est écroulé. Il avait été touché par une mitrailleuse ».

Marcel Bergamasco, âgé de 99 ans, est l'un des derniers résistants du maquis de Saint-Marcel à être encore en vie. Il était conducteur au sein de la section de transports des FFI.
Marcel Bergamasco, âgé de 99 ans, est l’un des derniers résistants du maquis de Saint-Marcel à être encore en vie. Il était conducteur au sein de la section de transports des FFI. © Stéphanie Trouillard, France 24

Quelques jours plus tard, le 18 juin 1944, Marcel Bergamasco, qui faisait office de conducteur au sein du maquis, participe à la bataille de Saint-Marcel. Après l’intrusion d’une patrouille allemande dans le camp de la « Petite France », de violents affrontements opposent toute la journée les parachutistes et les résistants aux forces d’occupation. « Le combat a été terrible. Cela a été un déluge de feu », résume l’ancien chauffeur du maquis qui porte fièrement son brassard de FFI.

Saint-Marcel a ainsi été le plus grand maquis en Bretagne et l’un des plus importants en France. « Ces hommes ont vraiment bloqué une partie de l’armée allemande grâce à ce maquis. Ils ont permis que la guerre continue en Bretagne. Les Allemands ont été obligés de rester ici et n’ont pas pu renforcer le front en Normandie », décrit l’historien Denis Peschanski, président du conseil scientifique et d’orientation de la Mission Libération.

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Cette épisode de la Libération est pourtant relativement peu connu en dehors des frontières de la région. « On n’a pas suffisamment conscience de l’importance de ce maquis » regrette ainsi Rozenn Guégan, la maire de Sérent. « Alors que ce sont des hommes et des femmes qui ont fait acte de courage et de bravoure au nom de la liberté et de nos valeurs républicaines », insiste-t-elle.

Là où le Vercors et les Glières ont laissé une trace dans la mémoire collective, le maquis morbihannais est resté dans l’ombre. Jamais en 80 ans un président de la République n’avait honoré ces combattants par sa présence lors d’une cérémonie officielle. Désireux de mettre en lumière toutes les mémoires, Emmanuel Macron a décidé de lancer les commémorations du Débarquement par cette étape dans le Morbihan. « Ici à Sérent, à Plumelec, à Saint-Marcel, la rencontre entre les parachutistes de la France libre et les FFI fit advenir au cœur de la Bretagne, une petite France, ilot de liberté dressée contre l’infamie et la barbarie », a-t-il ainsi souligné lors de son discours.

« Une période terrible qu’il ne faut surtout pas oublier »

Mais la barbarie a rapidement rattrapé les parachutistes et les FFI. Dans les jours qui ont suivi la bataille de Saint-Marcel, une véritable chasse à l’homme s’est engagée pour les retrouver après la dispersion du maquis. L’armée allemande, secondée par des collaborateurs français, s’est lancée dans de terribles représailles multipliant les arrestations, les actes de tortures ou les exécutions sommaires. Le 12 juillet 1944, dans ce même village de Plumelec, huit parachutistes, sept résistants et trois cultivateurs ont ainsi été abattus dans le hameau de Kérihuel. Raymond Moisan avait dix ans et habitait non loin de là. « Je les ai entendu les fusiller vers 4 ou 5h du matin. Mon frère a été pris quelques heures plus tard par les Allemands qui l’ont fait passer près de tous les morts. C’est une période terrible qu’il ne faut surtout pas oublier », raconte-t-il avec émotion.

Raymond Moisan avait 10 ans lorsque son village de Plumelec a été victime d'exactions en représailles de la bataille de Saint-Marcel.
Raymond Moisan avait 10 ans lorsque son village de Plumelec a été victime d’exactions en représailles de la bataille de Saint-Marcel. © Stéphanie Trouillard, France 24

En tout 380 résistants ont été fusillés en Bretagne, tandis que plus de 3 500 ont été déportés. Sur le monument en mémoire des SAS de Plumelec sont également inscrits les noms de 77 parachutistes qui ont perdu la vie dans cette région au cours de l’été 1944. Un lourd tribut dont Nicola Bennett a très souvent entendu parler. Son père André Hue, un agent franco-anglais du SOE, les services secrets britanniques, a été parachuté à Plumelec dans la nuit du 5 au 6 juin 1944. « Cela fait 80 ans jour pour jour que papa a atterri ici », souligne cette Anglaise qui porte pour la première fois les décorations de son père. « Il évoquait beaucoup ses camarades ». Profondément marqué par son engagement dans la Libération de la France, André Hue a tenu à reposer en Bretagne après son décès. « Nous avons dispersé ses cendres autour du monument à Saint-Marcel parce que c’est là qu’il avait laissé son âme », explique Nicola Bennett. 

Nicola Bennett porte fièrement les décorations de son père André Hue, un agent des services secrets britanniques, parachuté dans la nuit du 5 au 6 juin 1944 à Plumelec.
Nicola Bennett porte fièrement les décorations de son père André Hue, un agent des services secrets britanniques, parachuté dans la nuit du 5 au 6 juin 1944 à Plumelec. © Stéphanie Trouillard, France 24

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« Transmettre cette histoire aux enfants d’aujourd’hui »

Jean-Claude Guil a lui aussi vécu toute sa vie dans le souvenir des événements du maquis. À cinq ans, il a perdu son père Félix, un civil tué en représailles après la bataille de Saint-Marcel. Le 27 juillet 1947, c’est lui qui avait offert un bouquet de fleurs au général de Gaulle venu en visite dans le Morbihan pour honorer la mémoire des résistants. « Les émotions sont les mêmes qu’à l’époque », confie-t-il. « Mais il y a aujourd’hui beaucoup plus de jeunes, cela réchauffe le cœur ». Pour les 80 ans, 500 élèves venus de différentes écoles morbihannaises ont ainsi été invités. Une chorale d’un collège de Vannes a même entonné « Le chant des partisans » au cours de la cérémonie. Ces jeunes ont été chaleureusement félicités par le SAS Achille Müller et par le président Emmanuel Macron.

Alors que les derniers acteurs et témoins de la Seconde Guerre mondiale disparaissent, ces commémorations sont surtout l’occasion d’un passage de relais. « C’est très important de transmettre cette histoire aux enfants d’aujourd’hui par rapport à tout ce que l’on vit actuellement et la dangerosité qu’on rencontre même en Europe », conclut Jean-Claude Guil, l’ancien orphelin de guerre. « Il faut leur transmettre tous ces messages pour ne pas qu’ils revivent ce que j’ai vécu ». 

Jean-Claude Guil a perdu à l'âge de cinq ans son père tué par des soldats allemands à Saint-Marcel. Au niveau local, il œuvre inlassablement pour faire vivre cette mémoire.
Jean-Claude Guil a perdu à l’âge de cinq ans son père tué par des soldats allemands à Saint-Marcel. Au niveau local, il œuvre inlassablement pour faire vivre cette mémoire. © Stéphanie Trouillard, France 24



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