Face à son ennemi, l’Ukraine n’a guère d’autre choix que de combattre avec la meilleure arme à sa disposition : la surprise. Tel David surprenant Goliath, Kiev a ébranlé la puissante Russie en envahissant cent localités sur environ 1 300 kilomètres carrés de son territoire dans la région de Koursk. Dans celle de Soumy, en Ukraine près de la frontière russe, l’état d’esprit des combattants ukrainiens est fort différent du moral en berne, qui prévaut sur le reste du front oriental.
Alors que les forces de Moscou continuent leur progression dans le Donbass, les soldats engagés sur le front russe veulent croire que l’« opération Koursk » marque un tournant dans la guerre. Même si certains commentateurs à Kiev craignent que cette offensive ait détourné des forces qui auraient été nécessaires dans le Donbass, les militaires restent enthousiasmés par le succès inattendu de l’incursion en Russie, modèle d’esprit d’initiative et d’effet de surprise sur le champ de bataille. « Les soldats étaient très enthousiastes quand ils ont appris l’objectif de l’opération, et le moral reste très fort. Non seulement envahir un bout de Russie est un signal incroyable, mais il est nettement plus facile de combattre ici que dans le Donbass », confie Sasha, un combattant du 225e bataillon d’assaut, l’une des unités qui a percé la première ligne russe, le 6 août, au lancement de l’offensive.
« Un safari »
Si Andri, un autre soldat, évoque un « safari », et un troisième, Evgeni, raconte la « peur des Russes qui n’osent plus avancer », Sasha relativise la facilité des opérations initiales en reconnaissant que « les soldats russes se sont battus sur chacune des trois premières lignes de défense ». « Le premier jour, certains ont joué les Rambo et il a fallu les tuer, car ils n’abandonnaient pas le combat. Les jours suivants, ils ont combattu avec moins d’ardeur, et nous avons enregistré des redditions. » Kiev dit avoir capturé 594 ennemis.
Les opérations militaires « ont été presque arrêtées » dans les derniers jours d’août, selon Andri, un soldat d’une unité de reconnaissance de la 80e brigade d’assaut aérien, afin de « permettre aux unités d’assaut de se reposer » et de « renforcer le dispositif de défense », sans que nul ne sache à quel point Kiev entend défendre ou non ce territoire lorsque Moscou lancera une contre-offensive. « On attend les ordres, dit Andri, mais j’imagine que nos commandants ne savent pas encore eux-mêmes quand interviendra l’attaque russe. »
Outre la surprise et le parfum de réussite de l’« opération Koursk », l’événement a aussi mis en lumière certaines nouveautés intervenues dans l’armée depuis la prise de commandement, en février, du général Oleksandr Syrsky. Les unités de drones d’attaque, réunies au sein d’une nouvelle branche de l’armée, les Forces des systèmes sans pilote (SBS), ont vécu leur première offensive depuis leur réorganisation.
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