Depuis 2017, le président de la République défend à juste titre le concept de souveraineté européenne, dont la défense européenne devrait être un élément structurant essentiel. En ce sens, quelques progrès ont été réalisés dans le domaine de l’industrie de défense, avec notamment le projet de « système de combat aérien du futur » (SCAF) franco-germano-espagnol, projet dont le prédéveloppement a été approuvé mais est encore loin d’une mise en service.
A contrario, dans d’autres domaines, comme celui du projet de char franco-allemand, la coopération industrielle n’en finit pas de régresser. Dans le domaine des missiles, le projet germano-américano-israélien de bouclier antimissiles a rallié de nombreux pays européens, mais sans la France ni l’Italie.
Surtout, la guerre en Ukraine a marginalisé l’idée même de défense européenne, en mettant en avant l’urgence moins intellectuelle et plus opérationnelle de défense de l’Europe. Dans ce domaine, ce n’est pas une pseudo-défense européenne qui apporte la solution, mais la structure classique de l’OTAN, complétée d’accords militaires bilatéraux tel celui entre la France et le Royaume-Uni.
Dans ce contexte, le rôle de la France n’apparaît pas au niveau de ce qu’il devrait être. La France se targue d’avoir la première armée du continent, position de plus en plus instable compte tenu d’une part, des efforts budgétaires annoncés par le gouvernement allemand, d’autre part, de la montée en puissance des Etats quasi frontaliers de la Russie, principalement la Pologne. Dans une dizaine d’années, il est probable que la France sera reléguée en deuxième position, voire en troisième position parmi les armées de l’Union européenne.
A quoi servent nos chars Leclerc ?
C’est pourquoi la guerre en Ukraine donne à la France une fenêtre d’opportunité pour rendre plus évidente sa prééminence affichée, ce qui suppose une utilisation effective et efficace de ses moyens militaires actuels. On observe que l’effort militaire de la France en Ukraine n’est pas à la hauteur de ses moyens : le bilan comptable, même s’il ne reflète pas totalement la réalité, la place loin derrière non seulement les Etats-Unis, mais aussi le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne et la Pologne. Pas vraiment une démonstration de la puissance de feu de l’armée française.
L’Allemagne a inondé l’Europe de ses chars Léopard 2, qui sont maintenant sollicités par les Ukrainiens. A quoi servent nos chars Leclerc s’ils doivent rester en arrière-garde, loin du front ? A quoi sert notre flotte de Rafale s’ils n’œuvrent pas à la défense de l’Europe ? Pourquoi nos satellites militaires d’observation et de reconnaissance n’apportent-ils pas aux Ukrainiens les informations nécessaires sur le champ de bataille, que les Américains semblent seuls à fournir ? A quoi sert d’avoir la première armée d’Europe, si elle est incapable de contribuer, à la hauteur de sa réputation, à la défense de l’Europe, là où elle est menacée ?
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