LETTRE DE MADRID
Personne en Espagne n’imaginait, il y a encore deux semaines, que l’agitateur politique et youtubeur d’ultradroite Alvise Perez, candidat aux élections européennes passé sous les radars des médias traditionnels, ignoré des autres partis, méconnu de l’immense majorité des Espagnols, pourrait remporter un siège au Parlement de Strasbourg.
Le 23 mai, le Centre de recherche sociologique a été le premier à publier une enquête électorale créditant son mouvement de près de 4 % des voix et d’un, voire de deux sièges, le 9 juin. Depuis, tous les instituts de sondages confirment la percée surprise de sa liste dans la campagne. Répondant au nom évocateur de « Se acabo la fiesta » (« la fête est terminée »), elle ne renvoie pas à un parti mais à un « regroupement d’électeurs », une formule qui permet à une liste de se présenter à condition d’avoir récolté 15 000 signatures.
M. Perez – Luis Perez Fernandez de son vrai nom – assure en avoir rassemblé 135 000. Il faut dire qu’il s’engage à tirer au sort parmi les abonnés de ses réseaux sociaux celui qui remportera l’intégralité de son salaire d’eurodéputé s’il est élu. Sur Instagram, il en compte environ 840 000. Et sur Telegram, quelque 480 000. Des analystes politiques le comparent au président argentin libertarien, Javier Milei, pour son style populiste et sa capacité à faire campagne sur les réseaux sociaux, ou au Salvadorien Nayib Bukele pour son obsession des questions de sécurité – il plaide pour des peines de travaux forcés pour les assassins et les pédocriminels.
Son programme, en réalité, n’apparaît nulle part car l’important, dit-il à un youtubeur, est d’« avoir fait des choses, pas de faire des promesses ». Il assure qu’il a déjà déterré « plus de 63 cas de corruption » et se vante d’avoir identifié publiquement des pédocriminels, des assassins et des violeurs dont il poste les photos, soi-disant grâce aux informations fournies par ses sympathisants. Il se glorifie également d’avoir été visé par des plaintes de ministres socialistes et élus issus de la gauche radicale pour diffamation et d’être boycotté par les grands groupes de presse espagnols, des « mercenaires du pouvoir » selon lui.
« Je suis un destructeur »
Au site d’information d’extrême droite Libertad Digital, M. Perez expliquait, le 23 mai, qu’il se présente aux élections européennes d’abord pour « se protéger judiciairement », grâce à l’immunité dont jouissent les eurodéputés, et, ensuite, pour lutter contre toutes les formes de « corruption ». En aucun cas, il n’ira « vivre à Bruxelles, [dans] un pays en faillite, où il n’y a que des islamistes, de l’insécurité et des violeurs ». « Je ne suis pas un réformiste, je suis un destructeur qui veut en finir avec tout pour ensuite reconstruire », ajoutait-il.
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