Le canon tonne en Ukraine, à 2 500 kilomètres de Paris, et son écho se fait entendre jusqu’à Villepinte (Seine-Saint-Denis), où se tient le plus grand salon mondial de l’armement terrestre, du 17 au 21 juin. Avec plus de 2 000 exposants venus de 61 pays – la Russie est évidemment exclue, mais aussi Israël pour sa guerre à Gaza –, Eurosatory est l’arrière-boutique de tout ce qui alimente la guerre russo-ukrainienne, un conflit de haute intensité inconnu en Europe depuis 1945 : canons, drones, missiles sol-air, constellations de satellites, cyberdéfense… Des équipements aux effets démultipliés par l’intelligence artificielle (IA).
Les choses ont beaucoup évolué depuis le salon 2022, celui de la « sidération » post-invasion russe en Ukraine, selon le général Charles Beaudouin, commissaire d’Eurosatory. Celui où le président de la République, Emmanuel Macron, avait appelé les 4 000 entreprises de la base industrielle et technologique de défense à se mettre en « économie de guerre » pour produire « plus vite, plus fort, au moindre coût ». Elles sont portées par la hausse des dépenses militaires amorcée après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et accélérée depuis 2022. Les pays y ont consacré 2 056 milliards d’euros en 2023, et l’effort se poursuivra d’ici à la fin de la décennie.
L’évolution est aussi sensible dans les matériels exposés. Les équipements des programmes structurants (véhicules blindés…) absorbent le gros des budgets de défense, mais jamais les « munitions téléopérées » (drones, systèmes anti-drones…) n’ont été aussi présentes sur les théâtres d’opérations. Jamais l’IA n’a autant aidé les militaires à traiter au plus vite la masse de données leur arrivant de capteurs toujours plus nombreux sur les équipements pour mieux frapper chars, batteries d’artillerie et centres de commandement ennemis. Jamais les cycles d’innovation n’ont été aussi courts, comme l’illustre la course-poursuite entre Russes et Ukrainiens. Et jamais les grands groupes n’ont autant lorgné les pépites de la tech, à l’image de Safran, sur le point de racheter le spécialiste de la lecture d’images satellites par IA Preligens.