Combien de demandeurs d’asile ont-ils été envoyés par l’Australie dans le micro-Etat de Nauru, dans le Pacifique Sud, depuis un an ? En juin 2023, il ne restait plus aucun réfugié sur l’îlot qui, depuis 2012, prend en charge des migrants illégaux sous-traités par Canberra dans le cadre de sa politique migratoire de rétention offshore. Mais dès le mois de septembre, et pour la première fois en neuf ans, l’Australie a transféré là-bas onze nouveaux clandestins suite à une « arrivée maritime non autorisée ». D’autres bateaux ont suivi, dont au moins trois en mai. Depuis, le cap des cent personnes aurait été franchi.
Le nombre exact est gardé secret par les autorités australiennes « pour des raisons de sensibilité opérationnelle ». Le Asylum Seeker Resource Centre (ASRC), une organisation non gouvernementale qui offre un soutien et des services aux demandeurs d’asile et aux réfugiés, estimait, vendredi 7 juin, qu’ils seraient 101. « Il a été extrêmement difficile d’établir un contact avec eux. Le gouvernement a rendu cela très compliqué en leur fournissant des téléphones qui ne sont pas des smartphones. Mais nous avons finalement réussi à contacter beaucoup d’entre eux, et nous essayons de les aider », explique au Monde Ogy Simic, responsable du plaidoyer pour l’ASRC, qui s’alarme, comme toutes les ONG engagées dans le secteur, du « manque de transparence sans précédent » des autorités concernant à la fois l’identité de ces personnes, les lieux où elles sont envoyées et leurs conditions de détention.
Arrivé au pouvoir en mai 2022, le premier ministre travailliste, Anthony Albanese, n’a pas renoncé à l’implacable mais populaire politique migratoire développée par les conservateurs en 2013, prévoyant que tout migrant illégal intercepté en mer soit expédié dans un centre de rétention offshore et se voie interdire, à vie, de la possibilité de s’établir sur l’île-continent. L’adoption de cette stratégie avait permis au pays de mettre un terme à l’arrivée de quelque 200 bateaux clandestins par an, en moyenne, entre 2010 et 2013, mais elle avait aussi envoyé en enfer 3 127 personnes originaires d’Afghanistan, du Sri Lanka ou encore du Moyen-Orient, abandonnées loin de tout pour une durée indéterminée. Le régime de traitement offshore de l’Australie constitue un « traitement cruel, inhumain ou dégradant » et viole « les règles fondamentales du droit international », avait ainsi déclaré, en février 2020, le bureau du procureur de la Cour pénale internationale.
Au fil des ans, au moins douze personnes sont mortes dans ces centres, dont la moitié se seraient suicidées. Si Canberra a finalement réussi à les vider grâce à des accords d’accueil conclus avec des pays tiers, dont les Etats-Unis et la Nouvelle-Zélande, cela lui a pris des années. Plusieurs centaines de migrants, rapatriés pour raisons sanitaires en Australie, sont toujours dans les limbes. « Nous sommes extrêmement déçus par le gouvernement travailliste qui, au lieu de s’engager fermement à mettre fin à la détention offshore, a renvoyé des nouveaux demandeurs d’asile à Nauru. Nous repartons à zéro. C’est un film d’horreur politique », se désole Ian Rintoul, porte-parole de la Refugee Action Coalition.
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