Dans le climat de confrontation aiguë entre Moscou et Paris, l’arrestation dans la capitale russe du Français Laurent Vinatier, jeudi 6 juin, a tout de l’événement diplomatique susceptible de gripper encore un peu plus la relation bilatérale. Le président de la République, Emmanuel Macron, a évoqué son cas en intervenant dans la soirée à la télévision, l’inscrivant dans la droite ligne des « intoxications », « menaces » et « provocations » menées par le Kremlin contre la France.
Les images de l’interpellation de cet homme de 48 ans, spécialiste de l’espace post-soviétique et impliqué dans des tentatives de médiation informelle dans le conflit russo-ukrainien, ont été diffusées à la mi-journée par le Comité d’enquête, un puissant organe judiciaire russe, dépendant directement du Kremlin. On y voit M. Vinatier, dont le visage est flouté, abordé à la terrasse d’un café moscovite par des hommes masqués et en uniforme, qu’il suit, sans résistance, jusqu’à un van garé à proximité.
Dans la foulée, la partie russe faisait état d’accusations graves : M. Vinatier aurait, durant plusieurs années, « recueilli des informations dans le domaine des activités militaires et militaro-techniques de la Fédération de Russie », informations « pouvant être utilisées contre la sécurité de l’Etat ».
L’emploi d’un tel vocable a pu laisser penser, dans un premier temps, à une accusation d’espionnage. Mais l’argument juridique avancé, pour l’heure, par Moscou est plus subtil – mais aussi moins grave. Laurent Vinatier se voit reprocher de ne pas s’être signalé en tant qu’« agent de l’étranger », un label se voulant infamant, qui empoisonne la vie de ceux ainsi désignés et qui, depuis 2019, a été élargi aux étrangers.
« En aucun cas il ne travaille pour la France »
Selon la justice russe, M. Vinatier aurait dû, de lui-même, comprendre qu’il pouvait tomber sous le coup de cette législation et demander à être placé sur le registre dédié. C’est sur la base de cette même accusation que la journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva est détenue depuis octobre 2023.
Laurent Vinatier possède un profil atypique sur la place moscovite. Docteur en philosophie, chercheur spécialisé sur la Russie, le Caucase et l’Asie centrale, sujets de la plupart de ses livres, il faisait des séjours réguliers dans la capitale russe. Enseignant, il avait collaboré avec plusieurs centres de réflexion, dont l’institut Thomas More.
En 2014, il rejoint le Centre pour le dialogue humanitaire, institution discrète basée en Suisse, qui œuvre, souvent en coopération avec les Nations unies, dans le domaine de la diplomatie informelle et de la médiation des conflits. Le président de son conseil d’administration est l’ancien diplomate français Pierre Vimont.
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