![Des étudiantes tiennent des banderoles sur lesquelles on peut lire « Le féminicide est un meurtre d’État » et « Nous nous voulons vivantes » lors d’une manifestation contre le féminicide et la violence contre les femmes, à Milan( Italie), le 22 novembre 2023, à la suite du meurtre de Giulia Cecchettin,](http://img.lemde.fr/2023/12/11/0/0/5500/3646/664/0/75/0/5798606_1702302977932-262311.jpg)
Un visage hante l’Italie. Souriant, serein sur des photographies qui furent personnelles et qui flottent désormais sur tous les écrans du pays, il appartient à une femme assassinée, Giulia Cecchettin. A 22 ans, cette étudiante sur le point d’être diplômée a été tuée à coups de couteau le 11 novembre par son ancien compagnon, un jeune homme du même âge, sur le parking d’une zone industrielle de la banlieue de Padoue. Une semaine plus tard, son corps était retrouvé près d’un étang artificiel et le tueur en fuite arrêté sur une route allemande.
L’affaire est d’abord apparue aux Italiens comme un fait divers singulier du fait de la jeunesse de la victime et de son assassin présumé, du caractère si familièrement ordinaire du milieu de classe moyenne dont ils étaient issus. Les opérations de recherche et la traque du suspect ont été suivies heure par heure par les médias qui en ont fait le principal sujet du moment. Rapidement toutefois, des révélations sur le comportement de l’ex-partenaire de Giulia Cecchettin, possessif et manipulateur, ont jeté la lumière sur les prémices d’un féminicide annoncé et jamais empêché, le 106e de l’année en Italie et le premier à provoquer une prise de conscience nationale.
« Il y aura un avant et un après. L’Italie n’est plus la même depuis le féminicide de Giulia, affirme Giorgia Serughetti, philosophe féministe engagée sur la question des violences de genre. Pour la première fois, grâce à la famille de la victime, le pays tout entier a accepté que ce meurtre n’était pas un acte isolé mais qu’il procédait d’un système. »
Une parole politique nouvelle
De fait, dans les jours qui suivent la découverte du corps, le langage du fait divers cède du terrain à une parole politique nouvelle, portée par la sœur aînée de Giulia, Elena, qui décide de transformer son deuil en tribune. Dans une lettre publiée par le Corriere della Sera, quotidien milanais de diffusion nationale, puis dans ses interventions publiques, elle affirme que l’assassin de sa sœur n’est pas un monstre et que les tueurs que l’on qualifie habituellement ainsi « ne sont pas malades, [mais] sont les fils en bonne santé du patriarcat ».
![Le 5 décembre 2023 à Padoue (Italie), lors des funérailles de Giulia Cecchettin, une étudiante tuée par son ex-petit ami.](http://img.lemde.fr/2023/12/11/0/0/6048/4024/664/0/75/0/dad6051_1702303045689-020738.jpg)
Pour la première fois, la notion est partout discutée, commentée, interrogée, des pages des journaux aux plateaux de télévisions les plus populaires, sur les réseaux sociaux, par des personnalités issues des mondes du spectacle ou du sport comme dans les familles et dans les couples. Le gouvernement fait voter de nouvelles mesures de prévention. Le ministère de l’éducation décrète une minute de silence en la mémoire de Giulia Cecchettin dans les établissements scolaires, des élèves déclarent une « minute de bruit » pour exprimer leur colère.
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