Tous les ingrédients du scandale financier aux ramifications politiques semblaient réunis. Le groupe Adani, l’un des plus importants du pays, resté largement inconnu du grand public en dehors des frontières de l’Inde, a été projeté sur le devant de la scène en janvier. Un rapport d’Hindenburg Research a plongé ce conglomérat dans la tempête, menaçant également d’éclabousser les cercles politiques, tant son patron Gautam Adani est proche du premier ministre indien, Narendra Modi.
Le cabinet américain de recherche en investissement et vendeur à découvert (qui parie à la baisse sur les marchés) a accusé le magnat indien d’être l’auteur de la « plus grande escroquerie de l’histoire des affaires » et d’avoir fait prospérer son empire – dont les activités vont des infrastructures portuaires à l’énergie en passant par l’huile de cuisine – grâce à une fraude. Sur les marchés, ces révélations ont initialement provoqué une véritable débâcle. La valeur boursière du groupe Adani a chuté d’environ 150 milliards de dollars (138 milliards d’euros). Depuis, ses actions ont repris des couleurs, comme si de rien n’était.
« Rien, pas même Hindenburg Research, ne semble arrêter l’avancée des grandes entreprises indiennes, remarque C.P. Chandrasekhar, de l’Institut de recherche en économie politique de l’université du Massachusetts à Amherst. Le groupe Adani poursuit ses acquisitions, certes à un rythme moins effréné, et a réussi à convaincre les marchés financiers de lui prêter davantage d’argent, malgré les évaluations qui le jugent trop endetté. » Dès le mois d’août, afin de prendre le contrôle de Sanghi Industries, un cimentier rival plus modeste, le groupe Adani, via Ambuja Cements, a investi plus de 200 millions de dollars, sa première acquisition majeure depuis les accusations d’Hindenburg. Puis, en septembre, TotalEnergies a annoncé qu’il dépenserait 300 millions de dollars pour former une société commune avec Adani Green Energy.
S’il a connu l’ascension la plus fulgurante des dernières décennies, le groupe Adani n’en est pas moins emblématique du modèle indien des conglomérats. D’autres géants se sont développés selon un scénario similaire et poursuivent aujourd’hui leur trajectoire. Reliance Industries du magnat Mukesh Ambani, l’homme le plus riche du pays, l’incontournable Tata ou encore l’empire Birla semblent eux aussi se porter à merveille. Selon une étude de Marcellus, un gestionnaire de fonds basé à Bombay, les vingt plus grands groupes indiens réalisent à eux seuls environ 80 % des bénéfices générés par les entreprises du sous-continent. Un chiffre qui a doublé au cours de ces dix dernières années.
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