L’immobilisme de l’Autorité palestinienne (AP), totalement aphone malgré huit mois de guerre à Gaza, et la stérilité du dialogue entre le Fatah et le Hamas, ont poussé plusieurs figures de la diaspora palestinienne à engager une réflexion sur les moyens de faire émerger une nouvelle direction, réunifiée et plus en phase avec la population. « Il est sot de croire qu’il y aura des négociations sans le Hamas pour l’après-guerre à Gaza ou pour un Etat palestinien indépendant, prévient ainsi, dans sa maison d’Amman, Taher Al-Masri, ancien premier ministre de la Jordanie (1991). Ce n’est pas que cela me plaise, mais la réalité dicte cette analyse, car le Hamas jouit d’une forte popularité. Les Palestiniens sont las des conférences de paix qui n’ont mené à rien. » Membre de l’élite jordanienne, issu d’une famille de notables palestiniens de Naplouse, ce vétéran de la politique n’en revient pas de la violence de la guerre menée par l’armée israélienne à Gaza. Il n’entrevoit « pas de fin proche ».
Comme plusieurs centaines de figures arabes locales, M. Al-Masri a apporté son soutien, en décembre 2023, à un texte émanant d’un petit groupe de Jordaniens, dont une partie sont originaires de Cisjordanie, mobilisés sur les affaires palestiniennes. Cet appel met en garde contre le risque d’une « nouvelle Nakba » (« catastrophe »), une référence au déplacement forcé de 700 000 Palestiniens à la création de l’Etat d’Israël, en 1948. Il exhorte à la création d’une structure « transitoire » unitaire, « incluant le Hamas et le Fatah [à couteaux tirés depuis que le premier s’est emparé, par la force, de la bande de Gaza, en 2007, après les élections de 2006] », forme de prémice à un élargissement de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), la maison mère du nationalisme palestinien.
Cette initiative a été « très mal reçue par [le président de l’AP] Mahmoud Abbas et sa clique », rapporte l’ancien ministre Mohammad Halaiqah, l’un des auteurs de l’appel. Bien qu’il soit inaudible face aux bombardements à Gaza, M. Abbas reste l’interlocuteur privilégié du pouvoir hachémite, hostile au Hamas.
« Une OLP revitalisée »
« Nous observons les plans pour le “jour d’après” esquissés par les diplomates arabes et internationaux. L’AP n’a pas d’influence et le Hamas ne gouvernera jamais seul à Gaza comme avant le 7 octobre 2023. Nous avons besoin d’une structure qui représente les Palestiniens : une OLP revitalisée, alors que M. Abbas en a fait un corps mort », explique l’analyste politique Oraib Rantawi, également à l’origine de l’appel de décembre 2023. Lui et ses amis ont rencontré des cadres politiques du Hamas en exil au Qatar, des membres du Fatah de Cisjordanie de passage à Amman et des diplomates européens en Jordanie.
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