Silence pesant dans les couloirs sombres de la maternité de Pokrovsk. « Ça devient de plus en plus difficile », prévient le directeur, Ivan Tsyganok, en pénétrant dans son bureau, ce dimanche 18 août. « Il y a des rumeurs d’un départ, avait prévenu la sage-femme Svitlana Pidchenko, quelques jours plus tôt. On va peut-être évacuer à la fin du mois. » Le directeur de l’établissement situé à la périphérie de cette ville moyenne de l’est de l’Ukraine, dans la région de Donetsk, ne sait pas vraiment. Çà et là, derrière des portes et dans les cages d’escalier, des couveuses pour bébés prématurés et du matériel médical emballés témoignent néanmoins de préparatifs de départ.
« Nous partirons peut-être dans une semaine », commente laconiquement Ivan Tsyganok de sa voix chaude et grave, avant d’évoquer la ville voisine de Pavlohrad, distante d’une centaine de kilomètres, comme potentiel prochain lieu d’installation.
Les employés de la maternité de Pokrovsk n’ont d’autres choix que de préparer ce départ alors que les combats tonnent, de plus en plus proches. Villages après villages, les forces russes n’ont cessé de progresser ces dernières semaines en direction du nœud logistique de Pokrovsk, qu’elles tentent de prendre depuis des mois. Selon le site DeepStatees, proche de l’armée ukrainienne, les soldats russes ne seraient plus qu’à une dizaine de kilomètres du centre-ville. Les bombardements sont de plus en plus réguliers.
Il y a encore six mois, « nous n’étions bombardés qu’une à deux fois par mois, se souvient Svitlana Pidchenko, sage-femme de 53 ans, dont trente-trois dans la maternité. Puis ça a été une à deux fois par semaine. Désormais c’est plusieurs fois par jour ».
« A la portée des armes ennemies »
Si l’armée ukrainienne espérait parvenir à relâcher la pression russe sur le front du Donbass en lançant le 6 août une offensive dans la région russe de Koursk, les forces de Moscou semblent toujours déterminées à poursuivre leur conquête de la région de Donetsk. En dépit du nouveau front ouvert par Kiev au nord-est, à la frontière, l’adversaire continue de progresser sur son territoire. Les autorités locales n’ont cessé, ces derniers jours, de tirer la sirène d’alarme. Puis, lundi 19 août, le gouverneur de l’oblast, Vadym Filachkine, a ordonné l’évacuation des familles avec enfants vivant à Pokrovsk et dans ses alentours.
« Quand nos villes sont à la portée de pratiquement toutes les armes ennemies, la décision d’évacuer est nécessaire et inévitable », a-t-il expliqué sur les réseaux sociaux, assurant que 53 000 habitants, dont 4 000 enfants, continuaient d’y vivre (contre plus de 60 000 avant guerre). Ils ont « une semaine ou deux, pas davantage », a-t-il affirmé au service ukrainien de Radio Liberty, en réponse à une question sur les délais envisagés pour les évacuations.
Il vous reste 66.03% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.