Dans la nuit du 5 au 6 juillet, Tom Hayes a fait un cauchemar, dans lequel il était renvoyé en prison. Après avoir passé cinq ans et demi derrière les barreaux, au Royaume-Uni, deux ans et demi après sa libération, l’ancien tradeur, qui clame son innocence, demeure profondément traumatisé. Mais le lendemain, il apprenait la nouvelle qu’il attendait depuis si longtemps : son procès va être rouvert et se tiendra devant la cour d’appel britannique, probablement début 2024.
Alors que le Britannique était arrivé au bout de tous les recours judiciaires, la commission britannique pour la révision des procès criminels (Criminal Cases Review Commission, CCRC) a tranché en sa faveur. Une décision rare, qui ne peut être prise que si de nouvelles preuves ou de nouveaux éléments peuvent modifier le jugement initial.
Helen Pitcher, la présidente de la CCRC, estime que la « bonne approche légale » n’a peut-être pas été prise lors du premier procès, et elle promet de « remuer ciel et terre dans [la] lutte contre les possibles erreurs judiciaires ».
Erreur judiciaire… Le mot est lâché. Yeux bleus perçants, émotion contenue, mais à fleur de peau, M. Hayes, condamné en première instance, en 2015, à quatorze ans de prison (réduits à onze ans en appel) – plus que certains meurtriers – se bat pour blanchir son nom depuis son arrestation initiale, en décembre 2012. « Nous avons été condamnés pour quelque chose qui n’était tout simplement pas illégal », martèle-t-il aujourd’hui. Il parle au pluriel parce qu’il est la figure de proue d’un groupe de neuf tradeurs – lui compris – condamnés à un total de quarante-neuf ans et sept mois de prison, qui espèrent tous voir leur condamnation annulée dans le sillage de M. Hayes.
Obscurs taux d’intérêt
Dans les années qui ont suivi la crise financière de 2008, ces anciens banquiers grassement payés, dont deux Français, faisaient des coupables parfaits. Ils se sont retrouvés au centre de ce qui était présenté par les régulateurs et les parquets financiers de plusieurs pays comme un énorme scandale. Selon l’accusation, ils avaient manipulé d’obscurs taux d’intérêt, appelés « Libor » et « Euribor », qui servent de référence à des centaines de milliards d’euros de produits financiers.
Huit d’entre eux ont effectivement fait de la prison, et le dernier est devenu un fugitif, réfugié en France. Mais, aujourd’hui, le dossier d’accusation est en train de s’écrouler. « Tom [Hayes] et les autres tradeurs ont servi de boucs émissaires, accuse, sur la BBC, le député conservateur britannique David Davis. A l’époque, il y a eu une sorte de chasse aux sorcières : tout le monde était très en colère contre les banquiers, pour de bonnes raisons (…), les gens voulaient des punitions : je crains que les tribunaux britanniques aient cédé à cette pression. »
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