Après la ferveur des foules qui attendaient le pape François au Timor oriental, l’arrivée du pontife à Singapour, mercredi 11 septembre, a semblé un peu fraîche. Le Timor oriental est certes un cas particulier, puisque sa population est à 97 % catholique, mais, même lors des deux premières étapes du voyage papal, en Indonésie et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où les catholiques sont minoritaires, des milliers de croyants se pressaient à proximité des lieux visités par le pape. Rien de tout cela à Singapour, cité-Etat aussi riche qu’autoritaire. Au moment de quitter l’aéroport, 1 000 fidèles avaient été autorisés à l’acclamer. Pas un de plus : à Singapour, on aime les comptes ronds.
Après s’être rendu dans trois pays en développement, le dernier arrêt à Singapour, l’un des pays les plus riches du monde, peut surprendre. Mais l’intrus dans cette liste partage avec les autres sa diversité ethnique et religieuse. De plus, sa position géographique en fait un centre important pour les enjeux géopolitiques qui animent la région : Singapour, 5,9 millions d’habitants, est l’un des plus grands ports marchands de la planète, une place financière mondiale, et un lieu de rencontre entre les influences américaine (des soldats américains y sont stationnés) et chinoise. Soixante-quinze pour-cent de la population est en effet d’origine chinoise, et le pays entretient des liens économiques étroits avec Pékin.
Jeudi 12 septembre, le pape argentin a célébré à plusieurs reprises la réussite de la cité-Etat, citant la « forêt de gratte-ciel ultramodernes qui semblent surgir de la mer. Ils témoignent clairement de l’ingéniosité humaine, du dynamisme de la société singapourienne et de la perspicacité de l’esprit d’entreprise qui ont trouvé ici un terrain d’expression fertile ». Une façon de mieux mettre l’accent sur les hommes et les femmes à qui l’on doit ces réussites, quelques heures plus tard, lors d’une messe célébrée devant 50 000 fidèles dans le Stade national. Le pape a également mentionné les efforts de l’Etat en faveur de la justice sociale, citant le système de logements publics, qui bénéficie à 77,8 % des habitants, et le système sanitaire efficace.
Habituellement peu tendre avec le monde de la finance, le pape François n’a pas tenu rigueur à Singapour de son rôle central pour la finance asiatique, avec une complaisance notoire pour le blanchiment d’argent. Il a toutefois suggéré aux autorités d’améliorer le traitement des exclus de la croissance économique, notamment les travailleurs migrants, « auxquels il faut garantir un salaire équitable ». Les ouvriers migrants des pays voisins alimentent les usines, les chantiers, et s’occupent des familles bourgeoises, pour des salaires dérisoires : 645 dollars singapouriens (448 euros) par mois en moyenne pour les employées de maison.
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