mardi, septembre 17, 2024
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En Syrie, la jeunesse rongée par la tentation de l’étranger


Autour de la fontaine du patio et jusqu’à l’étage, la vieille maison damascène est pleine à craquer d’étudiants qui planchent sur leurs cours. Un silence monacal règne dans la study zone de Bab Touma, loin de l’effervescence du souk de la vieille ville. Samia (comme les autres témoins cités, elle n’a pas souhaité donner son nom et son prénom a été modifié) vient presque tous les jours depuis trois ans, dès qu’elle sort de la faculté d’ingénierie de l’université de Damas. Contre un abonnement modique, elle a Internet, l’électricité et le calme qu’elle ne trouve pas dans la maison familiale du quartier de Kafr-Sousah, avec un frère et une sœur.

A l’attention de nos lecteurs

Les « carnets de Syrie » sont une série de reportages réalisés à l’été 2024. Pour des raisons de sécurité, certaines des personnes ­citées s’expriment sous pseudonymes. Pour ces mêmes raisons, le nom des auteurs de ces reportages n’est pas mentionné.

Toujours un bon mot pour engager la conversation, et un grand sourire, la jeune femme de 25 ans y a rencontré de nombreux amis et, même, un petit ami. De futurs ingénieurs, médecins, graphistes ou architectes qui, comme elle, n’ont qu’une idée en tête : partir à l’étranger. La guerre civile qui fait rage depuis 2011 a déjà poussé plus de 5 millions de Syriens à l’exil. La crise économique et le service militaire créent une nouvelle vague de départs chez les jeunes qui vivent dans les zones tenues par le régime de Damas.

Samia se prépare à partir dans un an, une fois son master obtenu. « Tous mes amis veulent partir, sauf une poignée d’entre eux dont les parents leur interdisent ou qui ont l’assurance d’un emploi stable ici après la fac. Le phénomène est nouveau pour les femmes, surtout les femmes musulmanes comme moi », dit-elle, coiffée d’un voile noir et d’une tunique colorée. « Avant, on ne pouvait pas voyager sans chaperon, mais aujourd’hui c’est O.K., car on a des proches à l’étranger », ajoute-t-elle.

La « study zone » de Bab Touma, à Damas, à l’été 2024.

Sa mère a refusé un visa que l’Allemagne proposait à la famille, en 2017. Sa tante a été la première à partir, il y a quatre ans, avec ses enfants, à la mort de son mari. Une cousine a suivi, aujourd’hui mariée avec deux enfants. « Au début, ç’a été un choc dans la famille. Tous sont convaincus maintenant que c’est le mieux à faire », dit Samia. Même les perspectives de fonder une famille en Syrie sont minces aujourd’hui. Samia et son petit ami, diplômé d’un master d’ingénierie mécanique, viennent de rompre. « Il voulait se marier, mais il n’a pas de quoi payer la dot. Il doit s’exiler pour mettre de l’argent de côté. Ça va prendre du temps. On a préféré arrêter là et rester bons amis », raconte-t-elle, philosophe.

Samia est devenue bilingue en anglais grâce aux heures passées à regarder des films américains. Elle aimerait émigrer en Angleterre mais les visas sont rares. Elle pense donc à l’Allemagne, qui a accueilli plus de 1 million de réfugiés syriens pendant la guerre, et qui offre encore des programmes d’accueil pour étudiants et jeunes diplômés syriens. Elle apprend l’allemand grâce à des tutoriels sur Internet, à défaut de pouvoir se payer des cours privés.

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