C’est la résolution surprise d’un dossier vieux de plus de douze ans. Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, est désormais libre après avoir plaidé coupable devant un tribunal américain à Saipan (îles Mariannes), mercredi 26 juin, pour la sollicitation et la diffusion de documents classifiés. Condamné à soixante-deux mois de prison, qu’il a en réalité déjà purgés, il a pu ressortir du tribunal, choisi pour sa proximité relative avec l’Australie natale du lanceur d’alerte. A 52 ans et après plusieurs années de fuite, de réclusion dans une ambassade équatorienne puis d’incarcération dans une prison britannique, Julian Assange ne fait plus l’objet de poursuites judiciaires. L’autre dossier le concernant, une procédure pour viol qui avait été ouverte en Suède, a été close en 2019.
Les soutiens du fondateur de WikiLeaks se réjouissent, à juste titre, de le voir aujourd’hui en liberté. La peine prononcée est en effet largement en deçà de ce que l’Australien pouvait théoriquement encourir (cent soixante-quinze ans d’emprisonnement), et ce alors que la diffusion par WikiLeaks, en 2009 et 2010, de dizaines de milliers de documents classifiés relatifs à la diplomatie américaine et aux guerres en Irak et en Afghanistan avait fortement irrité les autorités.
Mais dans la pratique, l’accord de plaider-coupable implique un symbole lourd pour le journalisme : Julian Assange a, selon les documents judiciaires révélés cette semaine, été condamné au titre de l’Epionage Act, un texte sévère dont la possible utilisation contre la presse constitue l’un des débats les plus épineux dans l’histoire de la liberté d’expression aux Etats-Unis. Or les soutiens de Julian Assange ont toujours avancé l’idée que ce pour quoi il était poursuivi relevait d’un travail journalistique de révélation d’informations d’intérêt public.
Un texte controversé
Adopté en 1917 aux Etats-Unis, l’Espionage Act sanctionne le fait d’obtenir frauduleusement ou de diffuser des documents classifiés ayant trait à la sécurité nationale. En un siècle d’existence, il a fait l’objet de nombreuses critiques, les mailles de son filet, trop peu discriminantes, laissant une marge d’appréciation extrêmement grande aux autorités.
« Un problème majeur avec la loi c’est qu’elle ne distingue pas, d’un côté, les personnes faisant fuiter des informations classifiées avec des puissances étrangères dans un geste hostile aux Etats-Unis, et ceux qui, de l’autre côté, partagent des informations avec la presse de façon à informer le public américain des méfaits du gouvernement », rappelait en 2022 Jameel Jaffer, avocat spécialisé entre autres dans le droit de la liberté d’expression, au site spécialisé Politico. Au début du XXe siècle, une partie du texte, depuis rendue inopérante, avait été utilisée pour cibler des opposants politiques – notamment socialistes – aux Etats-Unis.
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