Né de l’urgence de la guerre en Ukraine, le rapprochement spectaculaire opéré entre la Russie et la Corée du Nord doit désormais s’inscrire dans la durée, et dans la logique de confrontation de blocs qui fait de l’Occident un ennemi commun. C’est le message qui a été envoyé par la visite de Vladimir Poutine, mercredi 19 juin, à Pyongyang, où le président russe a été accueilli avec un apparat exceptionnel.
La principale traduction de cet engagement commun est la conclusion, inattendue, d’un « traité de partenariat stratégique global ». Si le contenu de ce document est secret, son statut est en soi supérieur aux précédents textes liant les deux pays, qui remontent à 1961, 2000 et 2001. M. Poutine en a par ailleurs dévoilé le point le plus substantiel lors d’un d’une courte déclaration à la presse à l’issue des cérémonies officielles : « Le traité (…) prévoit, entre autres, une assistance mutuelle en cas d’agression contre une partie du traité », a précisé le président russe. L’accord similaire signé en 2019 entre Moscou et la Mongolie ne prévoit par exemple, lui, que de simples « consultations » en cas d’agression.
Besoin criant de munitions côté russe
Vladimir Poutine a explicitement lié la conclusion de ce traité au contexte de guerre en Ukraine. Citant l’accélération des livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine, et notamment la fourniture de missiles de longue portée et d’avions de combat, le chef du Kremlin a prévenu : « Dans ce contexte, et dans le cadre du document que nous avons signé, nous n’excluons pas le développement de notre coopération militaro-technique avec la République populaire démocratique de Corée. »
Cette précision est probablement plus importante encore que les engagements de défense mutuels. Jusqu’à présent, Moscou n’avait jamais mentionné ouvertement une telle coopération, qui contrevient aux sanctions de l’ONU et qui était jusque-là considérée comme un aveu de faiblesse.
C’est bien pourtant le besoin criant de munitions ressenti par l’armée russe qui a motivé le rapprochement avec la Corée du Nord, laquelle a saisi l’occasion pour sortir du profond isolement dans lequel elle est cantonnée. Les livraisons d’obus (de calibres et de conception compatibles avec les armes utilisées par Moscou) sont désormais un secret de Polichinelle. Les estimations des services de renseignement américains et sud-coréens évoquent jusqu’à cinq millions d’obus transportés par cargo, et des dizaines de missiles, dont certains ont été identifiés lors du bombardement de villes ukrainiennes.
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