Le président Nicolas Maduro a beau se vanter d’avoir « réalisé la prouesse de vaincre le fascisme » au Venezuela, l’élection qu’il affirme avoir remportée lundi 29 juillet a toutes les apparences d’une prouesse frauduleuse.
L’héritier d’Hugo Chavez, au pouvoir depuis treize ans, s’est fait déclarer vainqueur du scrutin présidentiel du 28 juillet par le Centre national électoral avec 51,2 % des voix, contre 44,2 % à son principal adversaire, l’ancien diplomate Edmundo Gonzalez Urrutia. Celui-ci avait remplacé la candidate initiale de l’opposition, Maria Corina Machado, déclarée inéligible, et qui a fait campagne pour lui. Lundi soir, Mme Machado et M. Gonzalez ont affirmé devant la presse disposer de 73 % des procès-verbaux de dépouillement des bureaux de vote, et revendiquent, eux, 6,2 millions de voix en faveur du candidat de l’opposition, contre 2,7 millions de suffrages pour le président sortant. Ils affirment disposer des preuves de la victoire de l’opposition.
Leur contestation du résultat officiel est appuyée par de nombreux Etats. Neuf pays latino-américains ont demandé le réexamen complet des résultats en présence d’observateurs indépendants ; le Brésil, le Chili et la Colombie ont émis des doutes sur la sincérité du résultat, ainsi que les Etats-Unis, l’Union européenne et plusieurs pays européens, dont la France. Le centre Carter, seul organisme admis à observer l’élection, a demandé la publication des résultats, bureau par bureau, avant d’émettre un avis.
Il n’est pas difficile de douter de l’honnêteté de l’équipe Maduro, compte tenu de la manière dont se sont déroulés la campagne électorale et le scrutin. L’addition des pourcentages obtenus par les différents candidats proposée par la télévision nationale à un moment de la journée lundi a abouti à un total de… 109 %.
Réponse du pouvoir prévisible
La campagne a été marquée par l’arrestation de dizaines de militants et de collaborateurs du tandem Gonzalez-Machado et par de multiples mesures d’intimidation. Le vote lui-même a été entaché de nombreuses irrégularités ; sur les quelque 5 millions d’électeurs poussés à l’émigration par la crise économique, seulement 69 000 ont pu voter, tant la procédure a été rendue difficile pour les empêcher de s’exprimer.
Malgré cela, la dynamique de la campagne avait montré une poussée très claire du candidat de l’opposition au sein d’une population épuisée par l’état désastreux de l’économie et usée par vingt-cinq ans de chavisme. Inévitablement, l’annonce de la victoire de M. Maduro a provoqué un début de révolte dans plusieurs villes du pays, causant déjà la mort d’une personne. Les dirigeants de l’opposition ont appelé la population à s’exprimer dans le calme dans le cadre d’« assemblées populaires », mais la réponse du pouvoir est prévisible ; Nicolas Maduro, qui avait averti d’un risque de guerre civile si l’opposition l’emportait, a de nouveau dénoncé lundi une « tentative de coup d’Etat fasciste » fomentée par les « diables et diablesses » de l’opposition.
Signe révélateur de l’enjeu, les seuls pays à avoir reconnu la victoire de M. Maduro sont la Russie, la Chine, Cuba, le Nicaragua, le Honduras et la Bolivie. Sans une transparence totale des résultats et un examen indépendant du décompte, pourtant, la réélection de M. Maduro n’aura aucune légitimité. Le peuple vénézuélien a assez souffert. Il est temps de lui donner les moyens de redresser son économie, de rétablir les libertés et de permettre aux émigrés de rentrer chez eux.