La scène est a priori surprenante mais, elle est en passe de devenir coutumière, dans une Pologne gouvernée par Donald Tusk. Lundi 2 décembre, Piotr Pogonowski, qui dirigeait l’Agence de sécurité intérieure (ABW) entre 2015 et 2020, a été conduit de force par les policiers jusqu’à la Chambre basse polonaise où il était invité à témoigner.
Ce juriste, actuellement membre du conseil d’administration de la banque centrale de Pologne, avait refusé par trois fois de se présenter à la commission d’enquête parlementaire sur les écoutes du logiciel espion Pegasus. Lors de son audition, ce témoin, chargé par les nationaux conservateurs du PiS (Droit et justice) de cette agence du renseignement intérieur, a affirmé avoir entendu parler du « système » Pegasus « dans les médias », refusant de se livrer davantage. A l’instar de l’ensemble des représentants du PiS, Piotr Pogonowski considère cette commission d’enquête non conforme à la Constitution. C’est ainsi qu’en a jugé en septembre, le Tribunal constitutionnel. L’institution, politisée par le PiS, est considérée comme illégitime par le nouveau pouvoir politique.
Le logiciel de surveillance Pegasus a été utilisé en Pologne sous le gouvernement du PiS pour écouter, notamment, une magistrate et des élus d’opposition, lorsque ces derniers faisaient campagne pour les élections législatives de 2019. Révélée, l’affaire avait fait scandale.
Mutisme
Forte de sa large victoire aux législatives d’octobre 2023, la coalition électorale opposée au PiS a rapidement mis en place trois commissions d’enquête à la Diète, visant à faire la lumière sur des scandales du gouvernement précédent. Hormis les écoutes de Pegasus, le Parlement s’est penché sur des milliers de visas remis contre des pots-de-vin dans les consulats polonais à l’étranger ou encore sur une tentative avortée d’organiser un scrutin présidentiel par correspondance en 2020, lors de la pandémie de Covid-19. Ces deux dernières commissions ont mis fin à leurs travaux et transmis leurs conclusions au parquet. Dans l’ensemble, ces centaines d’heures d’audition de témoins-clés, dont Jaroslaw Kaczynski, le chef du PiS, n’auront pas débouché sur de grandes révélations, la plupart des témoins choisissant de garder le silence.
Après Piotr Pogonowski, ce devrait être au tour de Zbigniew Ziobro, ministre de la justice sous le PiS et aujourd’hui député, d’être arrêté. La commission parlementaire a consenti, mardi, à son arrestation et à ce qu’il soit conduit de force pour être, lui aussi, entendu par la commission d’enquête parlementaire sur Pegasus. Ce député, qui se remet d’un cancer, a déjà ignoré quatre de ses convocations.
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