Professeure de relations internationales à l’université de Londres, Leslie Vinjamuri est directrice du programme « Etats-Unis et Amériques » à Chatham House, un grand groupe de réflexion britannique. Selon elle, Donald Trump a très brutalement accéléré un repositionnement géostratégique engagé par les Etats-Unis depuis Barack Obama.
Le Royaume-Uni, dit-elle, est désormais placé dans une tension fondamentale « entre le besoin urgent de maintenir le lien transatlantique et l’objectif à moyen terme de devenir autonome, notamment pour se libérer du pouvoir perturbateur de Washington ».
La « relation spéciale » entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni, selon l’expression employée par Winston Churchill (1874-1965), est-elle profondément affectée par la crise géopolitique déclenchée par Donald Trump ?
Cela fait longtemps qu’un repositionnement stratégique américain se prépare. Cette évolution devait être progressive, mais avec Donald Trump le virage est très brutal : nous tombons d’une falaise. Les Etats-Unis ont commencé à modifier leur position lors de la crise financière de 2008. Barack Obama et son équipe se sont demandé si les Etats-Unis investissaient dans les bonnes directions. Ils en ont conclu que ce n’était pas le cas.
Depuis Barack Obama, les Etats-Unis s’intéressent plus à ce qu’il se passe de l’autre côté du Pacifique que de l’autre côté de l’Atlantique…
Exactement. Ils cherchent à réduire l’importance de leur engagement vis-à-vis de l’Europe. Mais de nombreux facteurs ont rendu le changement difficile, notamment ce qu’il s’est passé au Moyen-Orient, avec la guerre contre l’organisation Etat islamique. Aujourd’hui, la Chine est plus grande, plus forte. Les Etats-Unis veulent donc accélérer leur repositionnement.
Le président américain a changé, et il est très différent. Il ne se soucie pas des conventions et des normes, et sa vision du monde est très singulière. Je pense qu’il aime le Royaume-Uni. Il apprécie certainement le roi, il apprécie plus ou moins le premier ministre, Keir Starmer, il aime l’Ecosse. L’Europe l’indiffère. Il n’aime pas l’Union européenne [UE], ce qui place a priori le Royaume-Uni dans une bonne position par rapport à l’Europe.
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