On ne compte plus les rapports d’économistes qui ont fini dans un tiroir. Celui sur la compétitivité que Mario Draghi a remis à la Commission européenne, le 9 septembre, connaîtra-t-il le même sort ? C’est fort possible. Mais, pour l’heure, il irrigue encore le débat public. Ursula von der Leyen, la présidente de l’exécutif communautaire, s’y réfère souvent, jusque dans la répartition des portefeuilles des commissaires. A Bruxelles, il ne se passe pas un conseil des ministres européens de l’énergie, de l’industrie, des finances ou encore de l’agriculture sans qu’il y soit mentionné, d’une manière ou d’une autre.
Jeudi 17 octobre et vendredi 18 octobre, les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept, qui se retrouveront dans la capitale belge, ont prévu d’avoir un premier échange à son sujet. Ils poursuivront la discussion, le 8 novembre, cette fois en présence de l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), lors d’un nouveau sommet prévu à Budapest.
Même si les préconisations de « Super Mario » sont loin de faire consensus parmi les dirigeants européens, ces derniers ne peuvent les balayer d’un revers de main. « Mario Draghi, c’est Mario Draghi. Il n’est pas italien, il n’est pas français, il n’est pas allemand, il est l’ex-président de la BCE qui a sauvé l’euro lors de la crise financière de 2010-2012 avec son “quoi qu’il en coûte” », explique un diplomate européen. Personne, à la table du Conseil européen, ne remet en cause son autorité intellectuelle et politique. C’est la « statue du Commandeur de l’Europe », résume Sébastien Maillard, de l’Institut Jacques Delors.
Mais ce n’est pas tout. Du président de la République français, Emmanuel Macron, au chancelier allemand, Olaf Scholz, en passant par le premier ministre hongrois, Viktor Orban, les Vingt-Sept partagent très largement le diagnostic alarmiste que pose l’ancien premier ministre italien sur l’Union européenne (UE). « Dès lors, dire “On enterre le rapport Draghi”, ce serait renoncer à toute ambition européenne, ce serait un suicide collectif », poursuit M. Maillard.
Tout au long de 400 pages, M. Draghi décortique, de manière aussi chirurgicale qu’implacable, les maux d’une économie en plein décrochage par rapport aux Etats-Unis et à la Chine. Si elle ne réagit pas en investissant massivement dans l’innovation, prédit l’économiste, l’UE est promise à une « lente agonie ». Face à la montée des populismes, qui se nourrissent de l’érosion du niveau de vie des populations, et au rejet croissant des politiques de verdissement de l’économie, M. Draghi assène : « Sans action, nous devrons compromettre soit notre niveau de vie, soit notre environnement, soit notre liberté. […] Nous devrons revoir à la baisse certaines, voire toutes nos ambitions. C’est un défi existentiel. »
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