Les bons sondages faisant de Raphaël Glucksmann la possible surprise des élections européennes du 9 juin, le Parti socialiste se prend à rêver d’un retour en grâce, trois ans avant la présidentielle française de 2027. Mais en dépit des affirmations du candidat, un bon résultat ne permettra sans doute pas de déterminer la future ligne du PS ou celle des sociaux-démocrates au Parlement européen.
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À moins d’une semaine des élections européennes du 9 juin, le Parti socialiste (PS) espère frapper un grand coup. À en croire les sondages, sa tête de liste Raphaël Glucksmann, fondateur du petit parti allié Place publique, dispute à la tête de liste présidentielle Valérie Hayer la deuxième place du scrutin, derrière Jordan Bardella (Rassemblement national).
Cinq ans après avoir frôlé la correctionnelle lors des dernières européennes en n’obtenant que 6,19 % des voix, Raphaël Glucksmann pourrait donc créer la surprise et, par la même occasion, relancer le débat, mis en pause le temps de la campagne, entre les socialistes pro et anti-Nupes.
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Car depuis plusieurs mois, les ennemis d’hier semblent être réconciliés. Le symbole a été immortalisé le 3 avril, lors d’un meeting à Sotteville-lès-Rouen, où étaient présents sur la même scène le premier secrétaire du parti et tenant de l’union de la gauche, Olivier Faure, et son ancien rival pour le poste et leader des opposants à la Nouvelle union populaire écologique et sociale, Nicolas Mayer-Rossignol.
La narratif se voulait alors sans ambiguïté : les déchirures internes et les vifs affrontements du début de l’année 2023 sont oubliés, tous les socialistes sont désormais rassemblés derrière la candidature de Raphaël Glucksmann pour les européennes. Et même si la Nupes a explosé après l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre contre Israël et que les tensions entre Jean-Luc Mélenchon et les socialistes paraissent chaque semaine un peu plus vives, une telle réconciliation, même de façade, est en soi une petite prouesse réussie par l’ancien conseiller de Mikheïl Saakachvili en Géorgie.
« Les bons sondages et la possibilité d’un bon résultat, c’est un carburant vital pour un parti politique. Cela peut enclencher un cercle vertueux et amener des gens en désaccord à se reparler et à se retrouver autour d’un projet commun. Pour autant, ça ne règle pas les problèmes de fond au sein du PS et de la gauche en général », analyse Bruno Cautrès, politologue et chercheur au Cevipof.
Raphaël Glucksmann sur une ligne de crête
D’autant que la campagne de Raphaël Glucksmann et son programme ayant été bâtis pour satisfaire les deux camps et plaire au plus large électorat possible – un positionnement résolument pro-européen, un discours anti-Mélenchon et des propositions comme la taxe sur les superprofits présentées comme « radicales » –, chacun pourra lire dans le possible bon résultat de la liste PS-Place publique ce qu’il voudra.
Les uns affirmeront que les électeurs de gauche ont fait le choix de la social-démocratie, envoyant ainsi un signal aux dirigeants socialistes sur la nécessité de tourner définitivement le dos à la ligne défendue par La France insoumise. Les autres estimeront que ce sont les promesses de rupture avec le néolibéralisme et d’adoption du « logiciel de l’écologie politique » par le groupe des socialistes européens qui ont séduit les électeurs, signe qu’il faut poursuivre dans cette direction inscrite dans feu le programme commun de la Nupes.
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Raphaël Glucksmann, lui-même, prend soin de jouer sur les deux tableaux. D’abord interrogé, dimanche 2 juin sur BFMTV, sur sa vision de l’union de la gauche après les européennes, il a affirmé être « en rupture totale avec ce que fait La France insoumise ». « J’ai fixé un cap clair. Ce cap a tranché des divergences de fond extrêmement profondes qui traversent la gauche française. Ce cap c’est l’attachement viscéral à la construction européenne, l’attachement viscéral à la démocratie, l’attachement viscéral à un débat public apaisé, refusant l’outrance, refusant les calomnies, refusant les fake news. (…) Je serai le gardien du fait qu’on n’en déroge pas. (…) Les gens qui se reconnaîtront dans ce cap viendront et ce sera en rupture totale avec ce que fait La France insoumise aujourd’hui. »
Élections européennes: « On va fixer un cap clair, en rupture avec ce que fait LFI », déclare Raphaël Glucksmann (PS-Place Publique) pic.twitter.com/XtAxHGMZQ3
— BFMTV (@BFMTV) June 2, 2024
Puis, répondant à une question sur les divergences au sein de son groupe européen, notamment sur le Pacte sur la migration et l’asile ou les traités de libre-échange, sujet sur lequel il était en position minoritaire, l’eurodéputé a promis une « bascule ». « Vous allez voir. Il y a une bascule au sein du groupe social-démocrate et concernant par exemple le Mercosur, une majorité du groupe s’y opposera », a-t-il promis. « On est en train vraiment de remodeler en profondeur la social-démocratie européenne en lui faisant épouser le logiciel de l’écologie politique », a-t-il ajouté. Le résultat, selon lui, est une « nouvelle offre politique qui dominera la gauche européenne pendant les décennies à venir ».
Des candidats symboles du vieux PS
Une gageure tant une large majorité du groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D) au Parlement européen sont des sociaux-démocrates n’ayant pas renoncé au néolibéralisme. Sans compter que la même interrogation subsiste au sujet de plusieurs candidats de la liste socialiste – François Kalfon et Claire Fita notamment –, dont les positions soutenant la construction de l’autoroute A69 et fustigeant une « écologie dogmatique » les rattachent davantage à l’ancien PS de François Hollande qu’à la « nouvelle offre politique » promise par Raphaël Glucksmann.
« Ce n’est pas la première fois qu’un leader socialiste français prêche de la sorte. Les résultats ont été plutôt mitigés par le passé, donc je reste prudent sur la capacité de Raphaël Glucksmann à faire évoluer les autres socialistes européens, qui ont tous des histoires différentes et un rapport différent au capitalisme », tempère Bruno Cautrès.
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La dynamique autour de la candidature de Raphaël Glucksmann est donc porteuse d’incertitudes. Car si son discours est clair, impossible de prédire ce qu’il adviendra après les élections européennes, tant au sein du Parti socialiste qu’au sein du groupe S&D du Parlement européen.
D’ailleurs, même le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, se montre désormais évasif. Interrogé, mardi 4 juin sur Sud Radio, au sujet de l’avenir de la gauche après les élections européennes, il a refusé de se prononcer clairement, se contentant d’affirmer qu’un éventuel bon score dimanche n’appartiendrait qu’à Raphaël Glucksmann et que ce dernier serait « bien sûr une partie de la solution » pour 2027.
