
Le ministre polonais des affaires étrangères, Radoslaw Sikorski (centre droit), recevait, jeudi 12 septembre à Varsovie, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, de retour de Kiev, avant de se rendre lui-même dans la capitale ukrainienne. Dans un entretien accordé au Monde, mercredi, il justifie la nécessité de permettre à l’Ukraine de frapper des cibles militaires en territoire russe à l’aide de missiles à longue portée.
Vos collègues américain et britannique ont rencontré, mercredi à Kiev, le président Volodymyr Zelensky, qui a réitéré sa demande pressante de pouvoir procéder à des frappes en profondeur en Russie. Faut-il l’accepter ?
Tout dépend de l’objectif recherché. Est-il que l’Ukraine gagne – j’entends par là qu’elle recouvre le contrôle de ses frontières internationales – ou bien qu’elle endure ? Le problème de cette seconde stratégie est que la capacité de Kiev à endurer n’est pas infinie.
L’invasion de février 2022 par la Russie a été condamnée par l’Assemblée générale des Nations unies (ONU), à l’une de ses plus fortes majorités. Cela veut dire que la victime de l’agression a le droit de se défendre, y compris sur le territoire de l’agresseur. Ce vote consacre non seulement le droit de l’Ukraine mais aussi l’obligation de la communauté internationale de prendre des contre-mesures pour rétablir l’application du droit international que le président russe, Vladimir Poutine, a violé de manière flagrante.
Je comprends l’argument de ceux qui ont besoin de contrôler la température de ce conflit. Mais ce qui m’inquiète, c’est qu’on est constamment interrogés sur les « lignes rouges » de Vladimir Poutine, jamais sur les nôtres.
La Pologne est le seul pays de l’Union européenne (UE), voisin à la fois de la Russie et de l’Ukraine : nous avons une ligne rouge assez évidente, celle d’empêcher nos citoyens de se faire tuer par des missiles ou des drones russes qui font irruption dans notre espace aérien parce que les Russes en ont perdu le contrôle. Et je ne vois pas pourquoi l’Ukraine ne pourrait pas abattre les bombardiers qui ont lancé ces missiles ou viser les bases aériennes d’où ils sont lancés. Ça me semble être une cible militaire tout à fait légitime.
Mais l’OTAN ne souhaite pas que la Pologne abatte des missiles russes au-dessus du territoire ukrainien ?
Il se trouve que l’Ukraine nous demande de le faire. Et, selon notre Constitution, le premier devoir de l’armée polonaise est de protéger nos frontières, ce qui vaut aussi pour l’espace aérien. Lorsqu’un missile arrive à portée de notre espace aérien, mon avis personnel, c’est que nous avons le droit d’autodéfense. Ces missiles n’ont absolument rien à faire ici.
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