Les rugbymans français Oscar Jegou et Hugo Auradou ont été mis en accusation par le parquet de Mendoza, vendredi 12 juillet, pour viols aggravés car commis en réunion, et encourent jusqu’à vingt ans de prison, a-t-on appris de source judiciaire.
« L’unité du parquet de Mendoza chargée des délits contre l’intégrité sexuelle (…) a procédé à l’inculpation formelle des deux citoyens français qui font l’objet d’une enquête du parquet de Mendoza pour violence sexuelle avec pénétration, aggravée par la participation de deux personnes », a fait savoir le parquet de Mendoza. « Ces citoyens ont choisi de ne pas témoigner », comme ils pouvaient le faire, ajoute le communiqué du parquet, qui précise que les deux joueurs « resteront en détention » pendant l’étude de la demande de placement en résidence surveillée déposée par la défense.
L’un des avocats des joueurs, Me Cuneo Libarona, a demandé une assignation à résidence, faisant valoir qu’« il n’y a pas de danger de fuite ». Un autre de leurs avocats, Me German Hnatow, a déclaré à la presse que les deux joueurs, face à la décision du parquet, étaient « calmes parce qu’ils se savent innocents » mais sont « inquiets de la situation ».
« A ce stade, l’enjeu est de rappeler un principe essentiel de toute procédure qui est celui de la présomption d’innocence, qui n’est pas un vain mot », a déclaré à l’Agence France-Presse Me Antoine Vey, qui a expliqué avoir été codésigné avec l’avocat argentin Rafael Cuneo Libarona pour défendre les intérêts des deux joueurs du XV de France. De leur côté, les autorités judiciaires ont précisé qu’elles « ne feront aucune déclaration aux médias afin de ne pas affecter le cours de l’enquête et de ne pas nuire à la plaignante ».
La victime en « état de choc total »
Placés en détention provisoire à leur arrivée jeudi soir dans le nord-ouest de l’Argentine, après un trajet de plus de 1 000 kilomètres depuis Buenos Aires où ils ont été arrêtés lundi, les deux joueurs avaient été emmenés à la salle d’audience via des tunnels souterrains pour se rendre dans la salle d’audience, où les médias n’ont pas accès.
Poursuivis au départ de l’affaire pour « violences sexuelles », ils sont désormais inculpés de « viol aggravé », les faits les plus graves pouvant leur être reprochés. En droit argentin, les violences sexuelles peuvent caractériser des faits allant de l’agression sexuelle au viol aggravé. Ces faits sont passibles de vingt ans de prison.
Le deuxième-ligne de Pau, Hugo Auradou, 20 ans, et le troisième-ligne de La Rochelle, Oscar Jegou, 21 ans, reconnaissent avoir eu « une relation sexuelle » mais ont « fermement nié toute forme de violence » dans la nuit de samedi à dimanche au Diplomatic Hotel de Mendoza où logeaient joueurs et staff français, après la victoire (28-13) du XV de France face aux Argentins.
Des relations sexuelles « consenties », a réaffirmé leur avocat, frère du ministre de la justice, énumérant jeudi plusieurs « indices » le prouvant, selon lui. Il nie également que des coups aient été portés : « Elle prétend avoir été battue, les caméras [de surveillance de l’hôtel] disent qu’elle ne l’a pas été. »
Mais selon l’avocate de la plaignante, Me Romano, « il s’agirait de violences sexuelles particulièrement atroces ». Elle a annoncé que sa cliente a été hospitalisée jeudi et devrait rester en observation entre vingt-quatre et quarante-huit heures, souffrant « d’une décompensation générale du corps suite à tout ce qui s’est passé ».
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Quand elle a lu les informations dans la presse, « elle a été bouleversée, en état de choc total et s’est évanouie, notamment à cause des lésions que le scanner a révélées », a déclaré l’avocate à une radio locale. Pour Nicolas Yungman, psychologue à l’hôpital Alvear de Buenos Aires, il pourrait s’agir d’un « syndrome de stress post-traumatique ».
« Atrocité sans nom »
Selon la version de Me Romano, sa cliente est rentrée à l’hôtel avec l’un des deux joueurs impliqués, « identifié en premier lieu comme Hugo [Auradou] ». Toujours d’après Me Romano, « il l’attrape immédiatement, la jette sur le lit, commence à la déshabiller et se met à la frapper sauvagement d’un coup de poing, dont l’hématome est visible sur le visage de la victime. Il l’étouffe, au point qu’elle a l’impression de se sentir partir ».
Environ une heure plus tard, « entre le deuxième, qui s’appelle Oscar », poursuit l’avocate, l’accusant des « mêmes faits de violence et de violence sexuelle ». « Elle tente de s’échapper au moins cinq fois. Mais Hugo se réveille et la reprend », a-t-elle encore affirmé.
Selon la procureure générale de Mendoza, Daniela Chaler, « la déposition était assez longue, complète, détaillée et correspondait, pour l’heure, aux conclusions médico-légales ».
Le président de la Fédération française de rugby, Florian Grill, qui a rencontré les deux joueurs à Buenos Aires mardi, souhaite « que la justice aille vite ». Présent à Mendoza, il déclare que « l’avocat a pu exposer [auprès du parquet de Mendoza] plusieurs points qui questionnent sur la déclaration initiale et qui vont mettre en cause plusieurs déclarations ». « Si les faits sont avérés, ils sont incroyablement graves. Il faut avoir une pensée pour la jeune femme. C’est à l’inverse de tout ce que le rugby est, de tout ce que le rugby fait, de tout ce que le rugby construit, (…) mais il faut laisser l’enquête, qui est nécessaire, se dérouler », déclarait-il plus tôt.
Vendredi, en conférence de presse, le sélectionneur du XV de France, Fabien Galthié, a expliqué : « On traverse depuis lundi, avec un déplacement avec la moitié de l’équipe en Uruguay et ensuite avec la préparation de ce match de samedi, des moments difficiles. Ce sont des moments très particuliers. C’est une préparation complexe (…) L’impact sur le groupe est réel. C’est un cataclysme, un traumatisme. Nous sommes très exigeants sur le respect des règles, du règlement mais aussi de la liberté de chacun. On travaille dessus tous les jours. Sans concession. Nous essayons tous les jours de construire notre groupe. Et nous continuerons. (…) Nous faisons tout pour aider la délégation, l’ensemble des joueurs, avec ce temps difficile. Nous collaborons pour que la justice argentine fasse son travail du mieux possible. »
« Si l’enquête établit les faits reprochés, ils constituent une atrocité sans nom. Pensée pour la victime », avait écrit, sur X, Amélie Oudéa-Castéra, la ministre des sports française, après la révélation de l’affaire qui a plongé le XV de France dans la tourmente.