Ainsi, Donald Trump et Vladimir Poutine seraient de vieilles connaissances qui se parlent régulièrement au téléphone, jusqu’à sept fois depuis que le premier a quitté la Maison Blanche en 2021, y compris après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022. Révélée par Bob Woodward, le célèbre journaliste américain, dans un livre qui vient de paraître aux Etats-Unis, War (« guerre », Simon & Schuster, 448 pages, non traduit), l’information n’a pas été formellement démentie par l’équipe Trump. Elle ne présage, en tout cas, rien de bon pour l’avenir de l’Ukraine, dont le sort est aujourd’hui largement lié au résultat de l’élection présidentielle aux Etats-Unis, le 5 novembre.
Le candidat républicain s’est vanté de pouvoir résoudre la crise ukrainienne en l’espace de vingt-quatre heures, s’il était élu. Personne ne croit sérieusement que cela soit possible, mais on sait suffisamment de choses sur sa vision de la Russie pour imaginer les contours de la solution envisagée. Colistier de Trump et candidat à la vice-présidence, J. D. Vance a d’ailleurs avancé un scénario qui impliquerait la neutralité de l’Ukraine – donc l’impossibilité pour Kiev de rejoindre l’alliance occidentale. C’est, rappelons-le, une des exigences de la Russie.
Il faut donc imaginer ce qu’une éventuelle victoire de Donald Trump, le soir du 5 novembre, parfaitement plausible à trois semaines du scrutin, signifierait pour l’Ukraine. Cette fois-ci, contrairement au soir du 3 novembre 2020, il est prêt. Il a un plan pour l’Ukraine. Logiquement, il demandera l’abandon de l’aide militaire américaine à Kiev. Elle ne s’arrêtera pas du jour au lendemain, mais une telle annonce bouleversera brutalement le paysage stratégique : les Européens ne sont pas en mesure de compenser la perte de l’aide américaine. L’armée ukrainienne aura de plus en plus de mal à résister à l’offensive russe.
Trump pourra alors proposer à Vladimir Poutine d’ouvrir des négociations, dans les termes que l’on devine sans peine, puisque les Ukrainiens se trouveraient en position de faiblesse. Ce serait, en réalité, pour l’Ukraine, les pourparlers de la défaite.
La victoire de la force sur le droit
Ne nous leurrons pas. La défaite de l’Ukraine serait aussi la défaite de l’Europe. Car il faut maintenant imaginer les conséquences qu’aurait sur l’Europe une victoire de la Russie dans cette guerre de conquête qu’elle mène depuis dix ans à ce pays auquel elle refuse un destin séparé.
Dans ce scénario, une première question s’impose à propos des négociations : les Européens y participeraient-ils ? Leur présence est sans doute le cadet des soucis de l’équipe Trump, qui n’a que mépris pour l’Union européenne et se voit sans scrupule régler le sort de l’Ukraine directement avec Moscou. « Ce sera déjà bien si les Ukrainiens sont invités à la table des négociations », ironise un expert démocrate américain. Voilà donc un premier camouflet pour l’Europe, pourtant bien plus directement concernée que les Etats-Unis par ce conflit sur son propre continent. Il n’est pas dit, d’ailleurs, qu’une administration démocrate, en cas de victoire de Kamala Harris, ait prévu d’associer davantage les Européens à une éventuelle négociation ; interrogée sur ce point par CBS le 7 octobre, la candidate démocrate s’est bornée à dire qu’elle ne négocierait pas avec Poutine sans les Ukrainiens. Elle n’a mentionné personne d’autre.
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