Reconduit, à une courte majorité, à son poste de premier ministre pour un troisième mandat, le 7 juin, Narendra Modi base son projet politique sur l’idéologie de l’hindutva, qui prévoit de faire de l’Inde un Etat hindou. Spécialiste de l’hindouisme, géographe et chercheur au CNRS, Pierre-Yves Trouillet analyse comment, en Inde, s’imbriquent religion, culture et politique, selon des pratiques extrêmement diversifiées.
Qu’est-ce que l’hindouisme ? Est-ce une religion ? Une culture ? Quand a-t-on commencé à parler d’hindouisme ?
Bien qu’il n’existe pas vraiment de terme équivalent à celui de « religion » dans les langues indiennes, l’hindouisme est aujourd’hui considéré comme tel par les hindous. Il s’agit néanmoins d’une religion très diversifiée, résultant du contact entre des héritages millénaires puisés dans le védisme, un système rituel ancien centré sur le corpus des Veda [textes religieux millénaires], et une multitude de traditions locales, régionales et communautaires, rassemblées autour du système des castes, du polythéisme et, souvent, du culte des saints. En raison de cette diversité, le sentiment d’appartenance à une même religion, que l’on observe aujourd’hui, ne s’est vraiment diffusé qu’au cours du XXe siècle, d’abord au sein des élites urbaines, à mesure qu’elles développèrent leur conscience politique d’appartenir à une « communauté hindoue », englobant même les castes de très bas statut jusqu’alors exclues de l’identité religieuse des castes dites « supérieures ».
Le mot « hindouisme » n’est d’ailleurs apparu qu’au XIXe siècle, introduit par les Britanniques pour désigner la religion des « hindous », terme lui-même inventé par les Perses au début de notre ère pour désigner les habitants de l’est du fleuve Indus, puis utilisé à partir du XVe siècle au sujet des populations du sous-continent n’étant ni musulmanes ni chrétiennes. Par le terme « hindouisme », les administrateurs britanniques cherchaient à rassembler sous une même catégorie la multitude de pratiques religieuses qu’ils observaient en Inde et qui ne relevaient d’aucune autre religion. Depuis la fin du XIXe siècle, l’élite hindoue mobilise également le terme sanskrit sanatana dharma [« éternelle loi »] pour se réapproprier l’appellation de cette religion.
Y a-t-il un hindouisme ou des hindouismes ?
L’hindouisme est pratiqué par une multitude de communautés suivant différents maîtres spirituels et par des milliers de castes qui ne partagent pas toutes les mêmes rites, ni forcément les mêmes croyances. Par exemple, certaines castes réalisent des sacrifices d’animaux, alors que d’autres réprouvent cette pratique. S’ajoutent à cela des différences linguistiques et régionales qui ont entraîné des pratiques et des représentations de l’hindouisme souvent régionalisées. Mais, malgré cette diversité, la plupart des temples hindous proposent globalement les mêmes dispositifs rituels aux fidèles.
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