Livre. Quand les Européens se rendent aux urnes pour renouveler le Parlement de l’Union européenne, ils s’engagent à faire vivre la démocratie sur le continent et s’adressent également à l’ensemble de la communauté internationale. Le message est simple : l’Europe est une somme d’idées, de forces et de valeurs qu’il faut partager, diffuser et faire connaître. Mais c’est avant tout une longue histoire que les Européens veulent maintenir au gré des épreuves que le Vieux Continent traverse. Cette histoire est celle d’une Europe qui domine le monde, celle d’une Europe qui subit le monde ou encore celle d’une Europe qui se marginalise dans le monde.
Ces trois itinéraires, l’universitaire Pierre Haroche les rassemble dans un essai captivant et éclairant (Dans la forge du monde. Comment le choc des puissances façonne l’Europe, Fayard, 224 pages, 21,50 euros) sur l’éternelle quête de l’Europe, partagée entre deux questions : qui suis-je ? Et qui est l’autre ? Entre identité et altérité, l’Europe évolue dans un monde en perpétuel mouvement. Mais si, à chaque moment-clé de son histoire, elle s’est reposée sur des fondamentaux communs, son corps social et son visage n’ont, quant à eux, jamais cessé de changer : « L’Europe a fait le monde et le monde a fait l’Europe », écrit le maître de conférences en relations internationales à l’université Queen Mary de Londres.
Son verbe est limpide, tranchant et ciselé. Divisée en trois parties (l’Europe puissance, l’Europe vassale et l’Europe marginale), la démonstration retrace la longue odyssée du Vieux Continent, toujours à la recherche de lui-même et exposé au regard aléatoire de l’autre. Le tout en soulevant trois interrogations majeures : quand l’Europe impériale s’impose dans l’arène internationale, accrédite-t-elle la thèse d’un monde multipolaire ? Quand l’Europe vassale est sortie de la cour des grands, subit-elle les secousses d’un système international qui lui échappe ? Enfin, quand l’Europe marginale devient un angle mort des affaires du monde, quelle marge de manœuvre lui reste-t-il pour peser sur les enjeux mondiaux ?
Trouver sa place
Pierre Haroche propose de ne pas répondre à ces trois questions, car chacune des épreuves (empire, vassal, marginal) s’est finalement retournée contre l’Europe, conclut-il. Ses guerres successives l’ont finalement détruite, son passé colonial est devenu une arme de destruction massive entre les mains du reste du monde et sa démocratie ne jouit plus comme jadis de cette force attractive face au modèle illibéral en pleine croissance.
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