
Il existait une géographie du pouvoir médiatique, dans le périmètre ultrasécurisé de la convention républicaine, à Milwaukee (Wisconsin). Les puissants réseaux de diffusion américains disposaient évidemment d’un plateau au-dessus de l’arène où avaient pris place les délégués. Mais toutes les personnalités républicaines de marque, à commencer par la famille Trump, privilégiaient une enceinte sportive voisine. Dans ce grand espace divisé en studios s’activaient les poumons du mouvement MAGA (Make America Great Again) : les podcasts et les émissions de radio qui à la fois irriguent cette base trumpiste et qui s’en nourrissent, au sens idéologique et financier.
Vaccins supposément dangereux, fraudes électorales imaginaires, rumeurs sur un Joe Biden grabataire manipulé en coulisses ? Tout se noue dans cette chambre d’écho hermétique aux faits. Ce paysage est celui de l’ère post-Fox News. La toute-puissante chaîne du magnat Robert Murdoch reste influente. Le présentateur Sean Hannity est en symbiose caricaturale avec Donald Trump. Mais cette antenne a cessé d’être prescriptive. Fox News a été débordée par d’autres chaînes ultraconservatrices et, surtout, par de nouveaux influenceurs politiques. Méprisant tout code éthique, indifférent à la pratique journalistique, ils vivent de leurs opinions tranchées, en lointains héritiers du légendaire Rush Limbaugh. Décédé en 2021, il fut un présentateur radio vénéré à droite, prêcheur politique offensif et impitoyable, dont l’émission était diffusée sur 600 radios locales. A son quasi-monopole, dans les années 1980, a succédé un archipel d’émissions et d’antennes, sous d’autres formes que la radio, média écouté essentiellement par des personnes de plus de 60 ans.
« Les podcasts, à gauche comme à droite, sont devenus un moyen de plus en plus prisé pour atteindre des gens en dehors des filtres des médias traditionnels, dit au Monde l’entrepreneur Vivek Ramaswamy, qui participa aux primaires républicaines avant de se ranger derrière Trump. C’est une bonne chose, cette culture où les deux partis apprécient la liberté d’expression. » L’ancien candidat, qui envisage de se présenter pour le poste de sénateur dans l’Ohio à la place de J. D. Vance, le colistier de Trump, participait au podcast de Russell Brand, comédien britannique aux yeux hallucinés et aux airs de surfeur. Ses émissions sont un nid conspirationniste. Comme Joe Rogan, la superstar des podcasts américains, Russell Brand prétend incarner la réhabilitation de la virilité masculine par la misogynie. Les scandales l’escortent. A l’automne 2023, la presse britannique a révélé des accusations multiples d’agressions sexuelles à son endroit. Mais dans ce monde alternatif, ces publications ne représentent pas un handicap. Elles consolident un personnage auprès des fans.
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