Le grignotage territorial russe se poursuit lentement dans l’est de l’Ukraine, un an après la contre-offensive de Kiev dont l’échec a placé ses troupes sur la défensive. Les nouvelles les plus inquiétantes pour l’Ukraine ne viennent pourtant pas du front, où Moscou ne parvient d’ailleurs pas à créer une zone tampon autour de Kharkiv pour empêcher des tirs ukrainiens contre son propre territoire. Elles émanent de la convention d’investiture républicaine, aux Etats-Unis, qui se tient à Milwaukee, dans l’Etat-clé du Wisconsin.
En choisissant, le 15 juillet, comme candidat à la vice-présidence James David Vance, jeune sénateur de l’Ohio, Donald Trump a adressé un message sans ambiguïté aux autorités ukrainiennes. Figure montante du trumpisme le plus décomplexé, ce dernier a multiplié les déclarations désinvoltes ou méprisantes à propos d’un pays qui livre une guerre existentielle imposée par le maître du Kremlin, Vladimir Poutine.
« Je dois être honnête avec vous, je ne me soucie pas vraiment de ce qui arrive à l’Ukraine d’une manière ou d’une autre », avait-il ainsi lancé avant le début de l’invasion russe, en février 2022. Il est resté fidèle à ce cap, tout en entretenant les rumeurs, pourtant maintes fois démenties, à propos de détournements massifs de l’aide américaine. Une fois élu au Sénat, J. D. Vance s’est opposé au versement d’une nouvelle tranche d’assistance militaire massive, assurant que les Etats-Unis ne disposent pas des moyens militaires nécessaires à Kiev pour espérer l’emporter et jugeant « fantaisiste » l’objectif ukrainien de recouvrer les territoires perdus depuis une décennie.
Resserrer les rangs
Certes, la politique étrangère d’une éventuelle nouvelle administration dirigée par Donald Trump serait arrêtée par le président, et non par son bras droit. Il n’empêche. Alors que Mike Pence, le premier vice-président de l’ancien homme d’affaires, articulait à l’occasion une diplomatie fidèle aux idées que défendait le Grand Old Party avant son assujettissement au trumpisme, son successeur potentiel confortera une tentation isolationniste.
Ce qui se dessine aux Etats-Unis a peut-être poussé le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, à évoquer pour la première fois des négociations sans préalables avec Moscou lors d’un nouveau sommet pour la paix qui se tiendrait avant l’élection présidentielle américaine. L’accueil pour le moins méfiant qu’a réservé la Russie à cette suggestion souligne la vacuité, pour l’heure, de la moindre perspective diplomatique.
Ces nuages menaçants rendent d’autant plus important le soutien européen à Kiev, que J. D. Vance n’évoque jamais, ou avec condescendance. Il faut se féliciter à ce titre du désaveu infligé à une très large majorité par le Parlement européen, dès l’ouverture de sa nouvelle session, au cavalier seul diplomatique du premier ministre hongrois, Viktor Orban. Ce dernier, qui occupe depuis le 1er juillet la présidence tournante de l’Union européenne, s’était lancé dans les premiers jours de son mandat dans une « mission de paix » vue d’un très bon œil par Moscou, dont il est proche et où il s’était rendu.
Les Européens sont d’autant plus contraints de resserrer les rangs que le retour d’un trumpisme débridé à la Maison Blanche serait la promesse d’une remise en cause radicale de tout ce qui a étayé la relation transatlantique au cours des décennies écoulées.