Papiers tamponnés à la main, Hoda s’apprête à franchir la frontière entre le Liban et la Syrie avec sa mère et ses filles, leurs valises sous les bras. A Zabadani, près de Damas, son mari et son fils les attendent, « joyeux ». Hoda (toutes les personnes citées par un prénom ont requis l’anonymat), qui s’était installée au Liban voilà plus d’un an, laisse percer son bonheur dans un éclat de rire, en quittant le poste-frontière côté libanais, à Masnaa : « La peur, l’angoisse d’avant » ont disparu, avec la chute du régime Al-Assad, dans la nuit du samedi 7 au dimanche 8 décembre.
Cela fait « des années » qu’elle attendait ce moment qui semblait si improbable : Bachar Al-Assad n’était-il pas parvenu à se maintenir au long de toutes ces années de guerre, de répression, et même de privation économique ? Aujourd’hui, la Syrie bascule dans une nouvelle ère, et dans l’inconnu, avec de nouveaux maîtres : les factions insurgées, dont la plus puissante est Hayat Tahrir Al-Cham (HTC, Organisation de libération du Levant, ancienne branche d’Al-Qaida en Syrie). En ce dimanche 8 décembre, Hoda fait un vœu : « Ne plus jamais avoir peur. »
La Syrie vient de tourner une page de son histoire en l’espace de douze jours. Abdelkarim était avec la rébellion anti-Assad, dans le Qalamoun, région proche de Damas, jusqu’en 2013, avant de se réfugier au Liban. Il n’a plus vu sa famille, restée en Syrie, depuis onze ans. Il ne rentre pas encore, il doit prendre le temps d’organiser son départ, mais, ce dimanche, il est convaincu de connaître déjà un morceau du récit qui reste à écrire du fulgurant renversement du régime baasiste : « Dès le début de l’offensive des rebelles d’Idlib, j’ai su que Bachar [Al-Assad] allait tomber, car les combattants ont avancé à la vitesse de la lumière, sans être arrêtés. »
Quand débute cette attaque, mercredi 27 novembre, lancée par une coalition insurgée partie de l’enclave d’Idlib, et comprenant des combattants de HTC et ceux de factions pro-Ankara, peu de monde y prête attention. Les regards sont rivés sur la frontière libano-israélienne : une trêve vient d’entrer en vigueur entre le Hezbollah et l’Etat hébreu, après deux mois d’offensive israélienne au pays du Cèdre.
L’alliance anti-Assad, elle, avance. Et vite. Elle prend des villages, s’empare de l’autoroute qui relie les villes d’Alep et de Damas. Les lignes de défense de l’armée syrienne sont faibles autour d’Alep, la deuxième ville du pays, dans le nord-ouest de la Syrie. La métropole est censée être défendue au sol par les milices iraniennes et le Hezbollah libanais, et dans les airs par l’aviation russe. Mais cette dernière, qui avait pourtant intensifié ses raids dans les semaines précédentes sur Idlib, semble passive. Quant aux forces pro-iraniennes, elles se sont retirées. Le Hezbollah avait déjà redéployé une majorité de ses hommes sur le front libanais, en raison de la guerre avec Israël.
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