Sur l’esplanade des Héros de Monterrey, en plein cœur d’une ville prospère mais écrasée par la chaleur, les militants de Morena (le parti au pouvoir, de gauche) cherchent encore une nouvelle version de leur slogan favori, dimanche 18 août. Bientôt, « Es un honor estar con Obrador ! » (« C’est un honneur d’être aux côtés d’Obrador ! ») sera caduc. Leur président Andres Manuel Lopez Obrador (dit « AMLO ») a annoncé son retrait de la vie politique à la fin de son mandat, le 30 septembre. Mais la phrase est scandée depuis de si longues années qu’elle semble être devenue un ciment identitaire.
Ce dimanche, quand Claudia Sheinbaum apparaît sur scène en sa compagnie, la présidente, élue le 2 juin avec plus de 59 % des voix, est acclamée chaleureusement : « Presidenta ! Presidenta ! » Faute de slogans plus élaborés pour l’instant, on redouble d’applaudissements.
Leurs équipes de communication appellent cela des « visites de travail », des « évaluations de programmes » ou des « inspections de terrain ». Mais les voyages de fin de semaine que le président sortant a organisés, depuis la mi-juin, en compagnie de sa successeure ressemblent bien plus à une tournée d’adieu pour l’un, et à un triomphal tour de piste inaugural pour l’autre.
Du débit lent qu’on lui connaît, « AMLO » se laisserait presque porter par un élan lyrique : « Merci à la science, à la nature, au créateur et au peuple !, lance-t-il, en référence aux nombreux galons académiques de la physicienne membre du GIEC qui le remplacera. Vous allez avoir une présidente docteure en sciences, vous vous rendez compte ? » A son tour, Sheinbaum passe aux louanges, sous les acclamations de l’assistance : « Jamais un président mexicain n’aura quitté ses fonctions porté par autant d’amour de son peuple ! » Cette tournée restera sans doute la plus longue fête de départ en retraite du Mexique.
Des événements publics taillés pour transférer la ferveur populaire d’une figure à l’autre. « Dire Claudia, c’est dire “AMLO” ; et dire “AMLO”, c’est dire Claudia ! », lance Idalia Trejo, une juriste de 55 ans venue « dire au revoir à [son] président ».
Voix critiques pas invitées
Claudia Sheinbaum ne prendra ses fonctions que le 1er octobre. Ce jour-là, son mentor quittera le pouvoir auréolé d’une cote de popularité dépassant les 80 % – un moteur à propulsion pour son successeur. Alors que l’amphitryon de l’événement, le gouverneur du Nuevo Leon, Samuel Garcia, du parti progressiste Mouvement citoyen, se fait siffler dès qu’il prend la parole, ou quand Sheinbaum le remercie sur scène pour son accueil. Il traîne, en effet, derrière lui plusieurs affaires de corruption. Mais la future cheffe de l’Etat, d’un ton calme et autoritaire, lève la main et intime : « Non, non ! Un applaudissement pour tous, s’il vous plaît ! »
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