Incarcéré depuis huit ans à la prison de Sincan, dans les environs d’Ankara, le juge turc Murat Arslan n’a pas eu droit à la libération conditionnelle qu’il était en droit d’espérer. Mercredi 17 juillet, les autorités turques ont refusé pour la deuxième fois sa demande de remise en liberté, estimant qu’il ne s’était pas suffisamment repenti de son crime.
Cette exigence pourrait prolonger l’emprisonnement du juge jusqu’à la fin de sa peine, en 2026, si les refus de libération conditionnelle persistent. Un scénario possible dans la mesure où Murat Arslan, condamné à dix ans de prison en 2019, pour « appartenance à une organisation terroriste », ce qu’il réfute, n’est pas près d’exprimer des remords.
« Il a toujours nié avoir été membre d’un groupe terroriste ou avoir soutenu un groupe terroriste. Pourquoi devrait-il se repentir d’un acte qu’il n’a pas commis selon ses propres aveux devant le tribunal ? », explique Ingrid Heinlein, une avocate allemande qui l’a visité à plusieurs reprises dans la lugubre prison de Sincan.
« Cette pratique pousse les condamnés à exprimer des remords même s’ils sont injustement accusés. Le cas de Murat Arslan en est l’illustration », explique un ancien collègue du juge qui a requis l’anonymat. La loi turque est formelle. En avril 2020, le « repentir » a été ajouté à la liste des critères requis en vue d’une libération conditionnelle. Un grain de sable fatal à Murat Arslan, la cinquantaine, qui, malgré sa peine purgée à plus des trois quarts et sa bonne conduite, a vu sa remise en liberté refusée jeudi, comme elle l’avait été un an plus tôt.
Idéal d’une justice indépendante
Depuis longtemps, le juge est dans le collimateur des autorités. Arrêté, comme 2 745 de ses confrères, lors des purges ordonnées par le président Recep Tayyip Erdogan après le coup d’État manqué du 15 juillet 2016, il a été condamné à dix ans de prison.
Accusé d’être un adepte de l’imam Fethullah Gülen, le cerveau du putsch raté selon Ankara, il n’a pas d’autre idéal que celui d’une justice indépendante. Son activité au sein de Yarsav, l’association des juges et des magistrats, qu’il présidait avant son arrestation en octobre 2016, ne pouvait que le placer dans le collimateur des autorités.
Fondé en 2006, Yarsav a été le premier syndicat à voir le jour au sein du système judiciaire turc, le premier aussi à tisser des liens avec des homologues étrangers, tels l’association des Magistrats européens pour la démocratie et les libertés (Medel), le Syndicat de la magistrature français et d’autres.
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