« Puisqu’on devra continuer à vivre sous le toit belge, il vaudrait mieux en réparer les fissures. » C’est peut-être en s’inspirant de cette formule du politologue flamand Dave Sinardet (revue Pouvoirs n °136, janvier 2011) que le nationaliste Bart De Wever, devenu premier ministre de la Belgique le 3 février, a opéré son étonnante mue. Passant de la vision romantique d’une Flandre indépendante en Europe à la prise en main d’un gouvernement fédéral censé remettre l’Etat belge sur les rails, l’ex-président de l’Alliance néoflamande (N-VA) a négocié ce tournant avec une telle rapidité que beaucoup s’interrogent sur cette minirévolution.
L’ancien séparatiste pur et dur, adversaire du régime monarchique, aurait donc accepté le fardeau d’une charge de premier ministre quitte à risquer, comme la plupart de ses prédécesseurs, une chute vertigineuse de sa cote de popularité ? A peine installé à la tête d’un Etat contraint d’économiser 33 milliards d’euros et de procéder à des réformes structurelles, il doit affronter un mouvement social qui mobilise tant les Wallons que les Flamands.
Le même Bart De Wever déclarait, en 2016, alors que son parti gouvernait avec le libéral francophone Charles Michel, qu’il songeait toujours à l’indépendance. Il la décrivait « non pas comme un but » pour la Flandre, mais comme un moyen d’assurer une « gouvernance démocratique pour les deux communautés de [son] pays ». Aujourd’hui, il affirme qu’il se contenterait du confédéralisme, un système que son parti définit comme une autonomie encore plus large octroyée aux entités fédérées, afin qu’elles exercent leurs compétences « au plus près des gens ». Mais tout en conservant un Etat, fédéral ou confédéral, disposant de pouvoirs régaliens.
Forme hybride
Est-ce vers cela que se dirige le nouveau chef du gouvernement, appuyé sur deux alliés néerlandophones, dont le parti de gauche Vooruit, qui a décidé de respecter les résultats des urnes, quitte à braver la colère de la rue ? Et surtout sur deux alliés francophones, un parti libéral de droite et un autre, centriste, qui lui ont offert la divine surprise d’écarter le Parti socialiste du pouvoir régional en Wallonie, « parti des assistés » à ses yeux.
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