
Certaines phrases collent pour toujours à leur auteur. Pour Lai Ching-te, ce sont les mots qu’il a eus devant le Parlement taïwanais alors qu’il était premier ministre, en 2017 : « Je suis un travailleur pragmatique pour l’indépendance. » Rien d’une gaffe, ils reflètent sa pensée, il les a toujours assumés : « Je ne dévierai jamais de cette position, quel que soit le poste que j’occupe. »
M. Lai a été élu à la présidence de Taïwan, samedi 13 janvier, avec 40,2 % des voix selon des résultats encore partiels. Les deux candidats d’opposition ont concédé leur défaite en début de soirée. Hou Yu-ih du Kuomintang obtient 33,4 % des voix et Kou Wen-je du Parti du Peuple de Taïwan 26,4 %. Lai Ching-te dirigera ces quatre prochaines années l’île que le chef de l’Etat chinois, Xi Jinping, entend réunifier à la Chine continentale, une « mission historique » qui doit cesser de se transmettre « de génération en génération », par des moyens pacifiques si possible, par la voie militaire si nécessaire. Vendredi, à la veille du vote, l’Armée populaire de libération avait prévenu qu’elle écraserait « toute forme de tentative de sécession de Taïwan que ce soit ».
A l’issue d’une élection parmi les plus sensibles de toutes celles qui vont marquer l’année 2024, l’arrivée au pouvoir de ce politicien chevronné, qui au cours de sa carrière n’a cessé de défendre l’affirmation plus forte d’une identité taïwanaise, est certaine de susciter une vive réaction de Pékin. Pour Ivy Kwek, chercheuse à Taïwan pour l’International Crisis Group, « il faut s’attendre à une forme de réaction chinoise à l’élection de Lai ».
Dans une menace non dissimulée, la Chine a retiré en décembre des droits de douane préférentiels sur les produits pétrochimiques accordés à Taïwan dans le cadre d’un accord conclu entre les deux rives du détroit en 2010. Elle pourrait frapper bien plus durement les exportations taïwanaises, dont 35 % sont absorbées par le continent. Les incursions de chasseurs chinois au-delà de la ligne médiane divisant le détroit sont déjà chaque mois plus nombreuses.
Spécialiste des lésions de la moelle épinière
Pour cet homme de 64 ans, cette victoire est l’aboutissement d’une longue carrière politique. Lors d’un de ses derniers meetings, devant le palais présidentiel, jeudi, il avait toujours ce ton affirmé mais très posé, cette raie au milieu parfaitement dessinée qui laisse son grand front dégagé mais cette fois les yeux rougis de se trouver enfin si près du rendez-vous avec le peuple taïwanais.
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