La question ukrainienne devient un enjeu des législatives éclair et fait craindre, selon Bertrand Badie, un « affaiblissement objectif de la politique étrangère française et de sa capacité d’action », qui reste une prérogative réservée du président de la République. Pourtant, les récentes déclarations d’Emmanuel Macron et de Steffen Hebestreit, porte-parole de la chancellerie à Berlin, sur l’usage des armes livrées à l’Ukraine avaient apparemment levé un interdit, voire un impensé.
Au nom du droit de l’Ukraine à se défendre des attaques russes – y compris celles provenant directement du territoire de la Fédération de Russie –, la Maison Blanche, plusieurs chancelleries européennes et le Secrétaire général de l’OTAN [Jens Stoltenberg] sont convenus que les armes occidentales utilisées par les forces ukrainiennes pourraient désormais viser la Russie, sous certaines conditions, dès lors que le droit à la légitime défense peut s’exercer hors des frontières de l’Etat agressé. Ce changement de politique invite à questionner l’impact du droit naturel de légitime défense selon l’article 51 de la Charte des Nations unies, sur la notion juridiquement incertaine de cobelligérance d’une partie tierce à un conflit armé international.
La paralysie du Conseil de sécurité ayant empêché la prise de mesures nécessaires pour rétablir la paix, l’Ukraine, victime d’une agression armée depuis février 2022, est en droit d’assurer sa légitime défense, dans les limites posées par la Cour internationale de justice. Elle doit pouvoir justifier de la nécessité du recours à la force contre les armées russes, pour se défendre et afin d’assurer sa propre sécurité, ainsi que de la proportionnalité de l’intensité de sa réplique aux attaques sur son territoire.
La notion de neutralité active
Ces attaques étant depuis peu dirigées vers Kharkiv, depuis l’oblast de Belgorod, en Russie, distant de seulement 32 kilomètres, l’Ukraine estime qu’elle peut désormais exercer son droit de riposte au-delà de ses frontières, en utilisant les armes qui lui ont été livrées. Le principe même de ces livraisons a déjà été validé par d’éminents juristes, invoquant un principe de « neutralité qualifiée ».
Pour Michael Schmitt, juriste, un Etat neutre a le droit de soutenir un Etat victime d’une « guerre d’agression flagrante et illégale ». C’est ce qui avait conduit le président Roosevelt à contraindre le Congrès au vote de la loi Lend-Lease, le 11 mars 1941, permettant la fourniture d’armements aux adversaires de l’Allemagne, sans être considéré comme un cobelligérant intervenant directement dans le conflit.
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