Après vingt-cinq ans de présence en République démocratique du Congo (RDC), la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) a officiellement pris fin dimanche 30 juin dans la province du Sud-Kivu, dans l’est du pays.
Acté en décembre 2023 par le Conseil de sécurité de l’ONU, le désengagement total des 15 000 casques bleus présents dans le pays est prévu en trois phases. Si une date limite avait été fixée pour le Sud-Kivu, le calendrier pour les régions de l’Ituri et du Nord-Kivu n’est toujours pas connu.
Une cérémonie de clôture a été organisée mardi 25 juin dans la localité de Kavumu, à 32 kilomètres de Bukavu, la capitale provinciale, en présence de plusieurs personnalités. Parmi elles, la cheffe de la Monusco, Bintou Keita, la première ministre congolaise, Judith Suminwa Tuluka, le gouverneur du Sud-Kivu, Jean-Jacques Purusi, ainsi que d’autres représentants de l’ONU et du gouvernement congolais. Lors de cet événement, la Monusco a fait un don d’équipements d’une valeur estimée à 10 millions de dollars (quelque 9,3 millions d’euros) aux autorités congolaises.
Dans un communiqué publié le 25 juin, la Monusco indique aussi avoir transféré aux forces armées congolaises (FARDC) un héliport et une base à Rutemba, près d’Uvira. Toutefois, prévient Bob Kabamba, chercheur sur les conflits en Afrique centrale à l’université de Liège, « ces dons d’équipements ne serviront à rien car l’armée est structurellement inefficace. Les FARDC sont peu formées et n’ont pas assez de moyens financiers pour entretenir les bases léguées par la Monusco ».
Difficultés chroniques
Désorganisés, mal formés et mal payés, les militaires congolais sont dans l’incapacité de rétablir la sécurité à l’est du pays : en cause, selon M. Kabamba, l’absence de « vraie réforme de l’armée, toujours attendue et qui serait le symbole d’une volonté politique forte ». Les effectifs des FARDC comptent de nombreux éléments issus d’anciens groupes armés intégrés dans le cadre de programmes de « désarmement, démobilisation, réinsertion » bâclés. Ils souffrent de lacunes techniques et structurelles importantes.
La Monusco (ex-Monuc) a été créée par une résolution du Conseil de sécurité du 30 novembre 1999, après l’accord de cessez-le-feu de Lusaka en juillet de la même année. Celui-ci a mis fin à la deuxième guerre du Congo, qui opposait la RDC, soutenue par l’Angola, la Namibie et le Zimbabwe, tandis que le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi appuyaient divers groupes rebelles congolais.
Rebaptisée Monusco le 1er juillet 2010, elle connaît des difficultés de coopération chroniques avec l’armée congolaise. Faute de résultats sur le terrain, la mission la plus ancienne et la plus chère de l’histoire de l’ONU, avec un budget d’un peu plus d’un milliard de dollars par an, s’est peu à peu discréditée auprès de la population en devenant ainsi un bouc émissaire tout désigné par les autorités congolaises.
Si la capacité de la Monusco à protéger les civils est remise en cause, une partie de son action, celle-ci moins visible, apporte un soutien logistique conséquent aux forces armées congolaises en matière de transport, d’acheminement de carburant et de partage de renseignements.
Offensive d’ampleur du M23
Malgré cela, ces dernières années, des manifestations parfois violentes, entraînant des pertes à la fois civiles et militaires ainsi que des pillages, ont été organisées pour exiger le départ des casques bleus, accusés d’inefficacité dans la lutte contre les groupes armés qui déstabilisent l’est du pays depuis trente ans.
« Le mandat de la Monusco était d’assurer la protection des civils, mais nous regrettons sa passivité. Le nombre de personnes tuées et de déplacés n’a cessé d’augmenter depuis vingt ans », se désole John Anibal, membre du mouvement citoyen Lutte pour le changement (Lucha), l’une des organisations congolaises qui réclament le départ de la Monusco.
En novembre 2019 et en avril 2021, la Monusco avait été confrontée à des manifestations de grande ampleur, motivées par la persistance des massacres perpétrés par les Forces démocratiques alliées (ADF), des rebelles affiliés au groupe Etat islamique et implantés depuis le milieu des années 1990 dans l’est de la RDC, où ils ont tué des milliers de civils.
Suivez-nous sur WhatsApp
Restez informés
Recevez l’essentiel de l’actualité africaine sur WhatsApp avec la chaîne du « Monde Afrique »
Rejoindre
Le désengagement de la Monusco aux frontières extrêmes orientales de la RDC est amorcé alors que le Nord-Kivu fait face à une offensive d’ampleur de la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23), soutenue par des éléments de l’armée rwandaise. En février, ils sont parvenus à prendre le contrôle de la localité de Shasha, coupant la route reliant Goma, au nord, à Bukavu, au sud.
Mobilisation de l’Afrique australe
Les assauts du M23 ont provoqué le déplacement de centaines de milliers de personnes et aggravé la crise humanitaire. En mai, le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha) signalait qu’environ 5,7 millions des déplacés congolais étaient établis dans les provinces orientales du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, d’Ituri et du Tanganyika. Pour le seul Nord-Kivu, environs 1,5 millions d’habitants ont fui leur domicile en raison des combats impliquant le M23.
Depuis la mi-décembre 2023, l’Afrique du Sud, le Malawi et la Tanzanie ont envoyé les soldats de la SAMIDRC, la force armée de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC). Selon le média spécialisé Africa Intelligence, 750 soldats Tanzaniens, 2 600 Sud-Africains et 1 000 Malawites ont été dépêchés mi-juin à Goma, portant son effectif total à quelque 8 000 hommes.
« La SADC n’a ni la logistique ni les moyens financiers pour assurer la stabilité des provinces de l’Est », déplore Bob Kabamba. Cette mission régionale succède à l’opération menée par la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) portée par le Kenya, le Burundi, l’Ouganda et le Soudan du Sud, dont le mandat a pris fin après seulement un an d’intervention à la demande de Kinshasa, qui l’accusait de passivité à l’égard du M23.