L’accord commercial en négociation entre le Mercosur et l’Union européenne (UE) fait l’objet au sein de la classe politique française d’un unanimisme surprenant. Ainsi, ce ne sont pas moins de 622 parlementaires français de tout bord qui ont adhéré à l’initiative de Yannick Jadot [sénateur écologiste de Paris] d’écrire à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pour exprimer leur opposition à ce texte.
Mais curieusement, la majorité des autres Etats membres, qui ont aussi une agriculture et le souci de l’environnement, semblent au contraire prêts à approuver le texte quand il sera finalisé. Il y a donc quelque chose d’étrange à voir une telle unanimité hostile en France. Analysons les arguments développés par les responsables politiques français.
La plupart des discours s’en tiennent à ce raccourci : « Je veux protéger l’agriculture française et l’environnement, je suis donc contre cet accord de libre-échange ».
Essayons d’analyser cette posture.
L’idée sous-jacente est que cet accord est certes favorable à l’industrie française, pour le secteur des services et pour l’accès aux marchés publics, mais qu’il est défavorable à son agriculture. Dans un pays où industrie et services représentent 97 % du produit intérieur brut (PIB) – et des exportations –, il est étrange que ni les responsables politiques tenants de la réindustrialisation ni les industriels qui subissent actuellement de fortes taxes pour exporter au Brésil ne défendent cet accord.
Trois secteurs sensibles
Au sein même du secteur agricole et agroalimentaire, certains vont bénéficier de cet accord, comme ils ont déjà bénéficié du CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) avec le Canada : les produits laitiers, les vins et spiritueux, les produits couverts par des indications d’origine qui seraient enfin protégés, etc. Pourquoi ces secteurs ne s’expriment-ils pas ? Auraient-ils honte de leurs succès ?
En réalité, il y a trois secteurs sensibles : élevage, céréales et sucre. L’accord prévoit précisément des contingents tarifaires sur chacun de ces trois secteurs. Leur importance est mise en avant comme autant de repoussoirs, en particulier les fameuses 99 000 tonnes de viande bovine. Mais ces volumes, s’ils semblent énormes, représentent de l’ordre de 1 % du marché européen (1,4 % pour les volailles ; 1,1 % pour le sucre). Or, on ne déstabilise pas un marché avec 1 % d’importations supplémentaires.
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