Les très nombreuses affiches électorales de Fratelli d’Italia, le parti de la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni, bien en vue dans les rues de Milan, sont impressionnantes. Le Salon international du meuble, l’une des manifestations les plus importantes de la ville, s’est achevé fin avril, attirant des milliers de professionnels du design et de touristes. Ces visiteurs n’ont sûrement pas prêté trop d’attention à ces immenses panneaux sur lesquels Mme Meloni arborait une coupe de cheveux faisant ressortir sa blondeur, un sourire fier et une veste d’inspiration militaire. Et pourtant, pour beaucoup d’Italiens, cette image a une signification très précise.
En effet, au-dessus du visage de Giorgia Meloni, s’élève, bien visible, la flamme : un symbole qu’elle revendique pour marquer la continuité de son parti avec l’Alliance nationale. Ce parti politique italien d’extrême droite créé dans les années 1990 est lui-même l’héritier du Mouvement social italien, parti né juste après la seconde guerre mondiale des cendres de la République de Salo, régime guidé par Benito Mussolini et voulu par Adolf Hitler. Cette banalisation de la flamme s’inscrit dans un contexte de reprise, par une partie de la société, de symboles fascisants. Ainsi, les saluts romains effectués par des militants d’extrême droite dans la rue lors de commémorations à Milan et à Rome n’ont été ni sanctionnés ni condamnés.
Les mesures adoptées par le gouvernement de coalition dirigé par la patronne de Fratelli d’Italia depuis octobre 2022 marquent également sa fidélité à l’histoire de l’extrême droite italienne.
Risque de régression
Sur le plan constitutionnel, Giorgia Meloni promeut une réforme visant l’élection directe du président du conseil, le renforcement de ses pouvoirs et la limitation, dans le même temps, de la capacité du président de la République italienne – le chef de l’Etat – à servir de garde-fou institutionnel face aux impulsions des politiciens populistes et à restaurer la confiance des marchés, comme cela a été le cas à plusieurs reprises dans le passé. Jusqu’à présent, le président de la République italien a exercé le rôle de gardien du respect de la Constitution. Ce bouleversement représenterait ainsi un risque de régression vers une forme d’« autocratie », comme l’a souligné la sénatrice Liliana Segre, rescapée de la Shoah, dans un discours au Sénat.
Faisant face à des difficultés pour répondre à sa promesse de réduire l’immigration à zéro par un blocus naval militaire, le gouvernement de Mme Meloni a aussi lancé une opération de détournement des débarquements vers l’Albanie. Si une telle opération lui permettrait de réduire le nombre officiel d’arrivées de migrants, elle consiste en fait à externaliser les procédures d’asile, au travers de centres de gestion placés sous la juridiction de Rome mais installés sur le territoire albanais. Le coût de la manœuvre est estimé à 650 millions d’euros.
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