Il fut un temps où les enfants en Europe se demandaient comment les Australiens faisaient pour marcher la tête en bas. La Chine n’est pas aux antipodes, mais elle donne l’impression de marcher la tête à l’envers par rapport à l’Europe et aux Etats-Unis. A l’heure où la Réserve fédérale américaine (Fed) choisit de maintenir ses taux d’intérêt élevés pour contenir une inflation qui peine à diminuer, l’empire du Milieu se pose la question inverse : comment faire monter les prix ?
Pour le vingtième mois d’affilée, les prix à la production ont chuté, en mai, de 1,4 % par rapport à 2023, après une baisse de 2,5 % en avril. Quant aux prix à la consommation, ils ont légèrement progressé, selon Pékin, de 0,3 %. Ce gain modeste serait dû, en grande partie, d’après l’agence Bloomberg, à la hausse des prix des services collectifs (énergie, eau, transport), et non aux dépenses des ménages. Ces derniers sont encore déprimés par la crise de l’immobilier et le ralentissement du marché de l’emploi. Les économistes sondés par Bloomberg estiment que l’inflation devrait s’établir en 2024 autour de 0,7 %, au lieu de 3 %, cible officielle du gouvernement.
Des prix qui baissent, on en rêverait de ce côté-ci de la planète, mais la déflation est un processus aussi mortifère que l’inflation puisqu’il incite à repousser ses achats et mange les bénéfices des entreprises, donc, in fine, les salaires, ce qui grève à son tour le pouvoir d’achat. Tout cela est mauvais pour la croissance et le moral des consommateurs.
Désamorcer la colère
Pour combattre cela, le gouvernement dispose de deux armes. La première consiste à aider les entreprises à exporter pour pallier la faiblesse de leurs ventes nationales et la deuxième est de relancer la consommation par un plan d’aide, comme les subventions à l’achat de voitures électriques, par exemple.
Toutefois, l’aide à l’export achoppe sur l’acceptabilité des clients. L’Amérique ne veut plus des produits chinois, et l’Europe décide de taxer lourdement les voitures électriques qui débarquent en rangs serrés dans ses ports. C’est pour désamorcer cette colère que le premier ministre, Li Qiang, s’est lancé dans une grande tournée chez ses voisins malaisien et océaniens, notamment en Nouvelle-Zélande et en Australie. Mais le pays devra aussi admettre que réduire la part de l’industrie exportatrice dans son économie au profit des services fait partie du cycle normal de développement.
Quant au stimulus des consommateurs, il faudrait d’abord purger la crise immobilière, qui ruine l’épargne des Chinois, et baisser les taux d’intérêt. Cependant, la Chine aimerait bien que la Fed baisse enfin les siens, afin qu’un trop grand écart de taux ne déstabilise pas sa monnaie. Ces deux-là n’ont pas fini de se tenir par la barbichette.