« Quand je repense à ce qu’il s’est passé à Tokyo, j’en perds le sommeil », avertit d’emblée Krystsina Tsimanouskaya, qui, vêtue d’un polo et d’un short, sort d’un entraînement au sein d’un centre olympique, à une centaine de kilomètres au sud de Varsovie. « Je ne voulais tout simplement pas atterrir en prison », précise cette blonde aux grands yeux bleus, évitant de s’appesantir sur l’édition tokyoïte des Jeux olympiques (JO), en 2021, qui, en plus de la rendre célèbre, l’a un temps plongée dans la dépression.
En août 2021, le monde entier s’était intéressé à l’histoire de la sprinteuse, née en 1996 à Klimavitchy, une petite ville de l’est de la Biélorussie, privée du jour au lendemain de JO à Tokyo par le régime autoritaire d’Alexandre Loukachenko et les cadres sportifs de son pays, qui l’accusaient d’instabilité émotionnelle.
Au Japon, Mme Tsimanouskaya se savait sur la sellette. Elle venait de publier une vidéo sur Instagram où elle critiquait ses entraîneurs, qui, pour parer à des disqualifications, lui avaient intimé de courir le 4 × 400 m, une épreuve à laquelle elle ne s’était jamais essayée.
Le couperet était tombé quasi immédiatement : Krystsina Tsimanouskaya avait reçu l’ordre de faire ses valises et avait été escortée jusqu’à l’aéroport. Alors qu’un avion l’attendait pour la rapatrier de force à Minsk, la capitale biélorusse, elle avait abordé les policiers japonais, évoquant une « pression » pour la faire monter à bord et un risque de représailles en cas de retour dans son pays.
Après une saga diplomatique, l’athlète avait obtenu un visa humanitaire pour la Pologne, où elle avait fini par poser le pied et obtenir la nationalité, en août 2022. La fédération internationale d’athlétisme, la World Athletics, l’ayant autorisée à rejoindre l’équipe polonaise, après une carence exceptionnellement raccourcie à deux ans, c’est l’aigle de la Pologne que la jeune femme arborera à Paris, où elle prendra part aux premiers « vrais » JO de sa vie. Aujourd’hui, son excellent polonais ne saurait complètement dissimuler une pointe d’accent russe.
« Nos réseaux sociaux étaient scrutés »
En août 2020, Krystsina Tsimanouskaya avait fait partie de ces millions de Biélorusses qui avaient cru au changement, à l’heure de glisser leur bulletin dans les urnes opaques du régime. Remportée, de manière frauduleuse, par un président en exercice depuis vingt-six ans, face à l’égérie de l’opposition, Svetlana Tikhanovskaïa, cette élection présidentielle avait donné naissance à une contestation d’ampleur inédite au sein de cette ancienne république soviétique.
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