Il fait une chaleur étouffante sous la verrière du Lindley Hall, une bâtisse édouardienne près de la gare Victoria, au centre de Londres. Quelques centaines de militants du Parti travailliste s’y sont rassemblés, samedi 29 juin, pour un des derniers meetings de la gauche britannique avant les élections législatives du 4 juillet.
Dans les sondages, le parti a toujours 20 points d’avance sur les conservateurs au pouvoir, qui n’ont pas réussi à réduire l’écart durant les six semaines de campagne. Le comédien de stand-up Bill Bailey a égrainé quelques bons mots et une courte vidéo de la méga-star Elton John déclarant son soutien au Labour vient d’être diffusée. Les femmes portent des robes à fleurs, les hommes sont en bermuda, l’ambiance est gaie et estivale.
Pourtant, quand Keir Starmer, le chef de file travailliste, qui devrait être le 58e premier ministre britannique vendredi 5 juillet, prend la parole, chemise blanche sur pantalon sombre, il reste « buttoned up », comme disent les Britanniques : rigide, voire coincé. « Le changement n’arrivera que si vous votez pour lui. Rien n’est décidé, aucun vote n’a été gagné ou perdu, chaque vote est encore à conquérir », met en garde le dirigeant de 61 ans, le cheveu dru et les yeux perçants derrière de fines lunettes, enjoignant à ses soutiens de ne pas célébrer trop tôt la victoire.
Après des semaines d’une campagne d’une grande prudence, calibrée pour rassurer les déçus des tories et du Brexit, c’est encore l’avocat qui parle, celui qui, pendant vingt ans, fit autorité en matière de droits de l’homme, réputé pour sa méthode et son sens du détail. Il n’y a que durant le concert de Taylor Swift à Wembley, fin juin, que cet homme très protecteur de sa vie privée, a semblé un peu lâcher prise. Sur une photo postée sur le réseau X, on l’y voit dans les gradins, radieux, enlaçant sa femme, Vic, la mère de ses deux adolescents.
Des origines populaires
Il a été abondamment reproché à Keir Starmer, depuis qu’il a pris la tête du Labour en avril 2020, de n’être pas assez inspirant. Il est vrai que le député de Holborn et Saint Pancras (dans le centre de Londres) n’a pas le charisme du chef de file du parti de droite populiste Reform UK, Nigel Farage, ni la brillance oratoire d’un Neil Kinnock, leader travailliste dans les années 1980, ou la jeunesse d’un Tony Blair, qui porta le mouvement au pouvoir à 44 ans, en 1997. Keir Starmer « n’aime pas la partie performative » du métier d’élu, « cela n’a rien de joyeux pour lui de passer à la télévision ou d’être face à la foule », explique son biographe Tom Baldwin, un ancien journaliste du Times devenu conseiller d’Ed Miliband, chef du Labour dans les années 2010.
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