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Kaïs Saïed, le fossoyeur d’Ennahda


Le leader historique du parti Ennahda, Rached Ghannouchi (à droite), à Tunis, en février 2023.

A 58 ans, Ahmed Gaâloul vit son deuxième exil à Londres. Comme lui, des dizaines de responsables et de membres du parti islamo-conservateur Ennahda ont quitté la Tunisie depuis que le président Kaïs Saïed s’est arrogé les pleins pouvoirs, le 25 juillet 2021. D’autres, à l’instar de Rached Ghannouchi, leader historique du mouvement, sont en prison.

Déjà réprimé sous les régimes de Habib Bourguiba et de Zine El-Abidine Ben Ali, où il était condamné à la clandestinité, Ennahda est aujourd’hui affaibli par celui de M. Saïed, dans un contexte de pression croissante sur l’opposition. Ancien ministre, député et membre du bureau exécutif d’Ennahda, Ahmed Gaâloul a quitté la Tunisie une première fois dans les années 1990 pour éviter la répression de M. Ben Ali. Il y est retourné après la chute de celui-ci en 2011, et a alors repris ses activités au sein de son parti, désormais légalisé.

Dix ans plus tard, Kaïs Saïed est au pouvoir. Après le « coup de force » de juillet 2021, M. Gaâloul se retrouve rapidement visé par les autorités. Interdit de quitter le territoire en décembre de la même année, il parvient néanmoins à quitter le pays en février 2022. « C’est à ce moment-là que j’ai décidé de ne plus revenir. Nous avons aussi estimé que certains membres de la direction devaient rester à l’étranger pour continuer nos activités », explique-t-il, qualifiant ce second exil de « traumatisme ».

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés En Tunisie, la lente descente aux enfers d’Ennahda

Les militants visés

Selon Ennahda, une cinquantaine de cadres du parti ont été arrêtés depuis le 25 juillet 2021. Parmi eux, Ali Larayedh, ancien premier ministre et vice-président d’Ennahda, placé en détention en décembre 2022, ainsi que Noureddine Bhiri, ancien ministre de la justice, arrêté en février 2023.

En avril de la même année, le régime de Kaïs Saïed intensifie encore sa répression en arrêtant Rached Ghannouchi, leader historique du parti islamo-conservateur. Comme de nombreux autres opposants, M. Ghannouchi est accusé de complot contre la sûreté de l’Etat. Simultanément, le ministère de l’Intérieur ordonne la fermeture du siège d’Ennahda et de l’ensemble de ses bureaux en Tunisie, tandis que les comptes bancaires du mouvement sont gelés.

En septembre, à l’approche de l’élection présidentielle, dont le premier tour est prévu le 6 octobre et dont M. Saïed est le grand favori, Ennahda a dénoncé l’arrestation d’une centaine de militants, de cadres régionaux et de sympathisants, y compris des femmes et des hommes âgés, parfois anciens prisonniers sous le régime de M. Ben Ali.

Pour la première fois depuis que Kaïs Saïed s’est octroyé les pleins pouvoirs, ce sont cette fois des militants de second plan qui sont pris pour cible. « La stratégie du régime semble être de neutraliser les capacités d’Ennahda en vue de l’élection présidentielle. Ils craignent que le parti, qui n’a pas donné de consignes de vote, active sa machine pour faire élire un autre candidat », estime Hamza Meddeb, chercheur au Carnegie Middle East Center.

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